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meté, et Bucer, dans une lettre à Jonas, vantant les services qu’il rendait à la doctrine par sa résolution et sa science, lui donna le nom de proto-docteur et d’organe salutaire de Dieu, autant par équité, que pour affliger Luther à qui le mot devait être redit.

Enfin la réforme triompha à Cologne, les conversions se faisant vite alors, et la peur du landgrave y aidant. Le formulaire fut adopté par le plus grand nombre. Le collége seul continua de résister. Du reste, la juridiction ecclésiastique avait été conservée aux évêques en échange de la tolérance qu’ils accorderaient à la doctrine. C’était pour Mélancthon la borne extrême de toute réforme. Quelque temps après son retour à Wittemberg, l’archevêque de Cologne fit hommage à l’électeur de Saxe du formulaire de sa nouvelle église, sous le titre de Réforme de Cologne. L’électeur chargea Amsdorff, évêque de Naumbourg, de l’examiner et d’en donner son avis. Cet Amsdorff, l’un des disciples les plus passionnés de Luther, avait été récompensé de son zèle par l’évêché de Naumbourg, arraché au titulaire, Jules Pflug, malgré sa nomination régulière par le collége. Mélancthon avait eu à dévorer le chagrin d’aller, par ordre, installer le nouvel évêque à la place de Pflug, qui était de ses amis, et en avant des catholiques comme Mélancthon était en arrière des réformés. Ils se touchaient par là, comme Sadolet et Mélancthon. Amsdorff avait su ce chagrin, et il ne pardonnait à Mélancthon ni son amitié pour Pflug, qui était un blâme secret contre l’usurpateur de son siége, ni surtout la cause de cette amitié, qui était cette modération par où Mélancthon paraissait aux hommes ardens de connivence avec les catholiques.

Amsdorff critiqua les articles sur le libre arbitre et l’eucharistie, dont l’un était plus particulièrement l’ouvrage de Mélancthon, et l’autre celui de Bucer. Il les dénonça à Luther, l’adjurant d’en faire une réfutation solennelle du haut de la chaire et par écrit. « Je vois là, écrivit Mélancthon à Théodorus Vitus, la trompette d’une nouvelle guerre. Si notre Périclès le prend sur le ton de l’invective, je m’en vais. » En effet, dès le 11 août, Luther monta en chaire, et la guerre fut déclarée.

Le crime de Mélancthon était cette même doctrine de la justification, qu’il ne pouvait plus approfondir sans incliner de plus en plus vers les œuvres. Il avait dit que ceux qui font des actes contre la conscience perdent la grace, c’est-à-dire cessent d’être justifiés, et redeviennent impies et païens : d’où il résultait que, si les œuvres ne justifient pas, néanmoins elles peuvent faire perdre le caractère de justifié. Comment donc ne donneraient-elles pas ce qu’elles peu-