Page:Revue des Deux Mondes - 1839 - tome 20.djvu/779

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
775
DU GOUVERNEMENT REPRÉSENTATIF EN FRANCE.

d’une combinaison ministérielle quelque peu durable. Il en est de même d’une provocation irréfléchie ou d’une résistance absolue à la réforme soit de notre système électoral, soit de quelques parties de nos institutions constitutionnelles. Il importe que les conservateurs ne se fassent pas d’illusions sur ce point : il est en France peu d’institutions secondaires qui n’appellent un remaniement prudent et discret dans le sens du principe de notre gouvernement nouveau et dans l’intérêt de ce gouvernement lui-même. Y préparer l’opinion sans se laisser dominer par elle, occuper la pensée publique pour éviter qu’elle ne vous échappe, telle est la double condition imposée à tout cabinet qui se croirait en mesure de se présenter autrement qu’à titre de pouvoir provisoire. Et pensez-vous, monsieur, qu’un gouvernement intelligent n’eût pas une assez vaste carrière ouverte devant lui ? Faire sortir le droit de la capacité des lieux communs où la théorie le confine, organiser le régime du travail et de la paix dans toutes ses branches, ici par l’éducation professionnelle, là par l’application de l’armée aux grands travaux d’utilité publique ; donner une base plus populaire à la pairie, préparer l’opinion à l’établissement d’un système électoral plus rationnel dans son principe et mieux réglé dans ses effets, user de la presse comme d’un levier au lieu de s’offrir pour point de mire à ses coups : une telle œuvre n’absorberait-elle pas quelque peu, par son importance même, les préoccupations égoïstes dont la France est condamnée à subir les exigences et à contempler le duel ?

Je viens d’étudier des détails nombreux, et je n’ai pas encore abordé la seule pensée qui pût leur servir de centre ; j’ai compté pièce à pièce les ressorts de la machine, et je ne suis pas remonté jusqu’au principe de son mouvement, omission que vous me reprocheriez à bon droit et à laquelle je dois essayer de suppléer par quelques indications rapides.

Déjà votre pensée a devancé la mienne, et vous avez compris que cette excitation incessante de toutes les facultés humaines réclamait dans la conscience publique un contre-poids indispensable ; déjà vous vous êtes dit que la France entreprend une œuvre insensée autant que périlleuse, si elle ne se donne des mœurs qui lui permettent de supporter ses lois, et que la tâche du gouvernement des classes moyennes devra se résumer en quelque sorte dans un seul grand fait, la moralisation du pays.

Vous ne verrez pas dans cette énonciation une injure à mon pays ; une flétrissure jetée sur lui aux yeux du monde. Nul n’est moins