Page:Revue des Deux Mondes - 1839 - tome 20.djvu/873

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.


CHRONIQUE DE LA QUINZAINE.
Séparateur



14 décembre 1839.


L’horizon politique ne s’est guère éclairci dans les derniers quinze jours. Le ministère se flattait de pouvoir annoncer aux chambres quelque fait éclatant de sa politique extérieure ; il devra se borner à lui faire part de ses espérances et à lui parler de ses bonnes intentions.

On dit, il est vrai, que la Russie est enfin décidée à faire bon marché du privilége qu’elle avait prétendu s’attribuer par le traité d’Unkiar-Skelessi. Après avoir essayé de briser l’alliance anglo-française, en offrant à l’Angleterre seule le passage des Dardanelles pour quelques-uns de ses vaisseaux, elle reconnaîtrait aujourd’hui que si une intervention armée devenait nécessaire à Constantinople, l’entrée de la mer sacrée devrait être également libre aux flottes de la France, de la Russie et de l’Angleterre. On assure que le même envoyé russe qui a déjà été à Londres sonder la fidélité du cabinet de Saint-James à l’alliance française, ne tardera pas à y reparaître avec cette importante déclaration. C’est là sans doute un fait considérable pour l’honneur et les intérêts de notre politique ; c’est reconnaître que, le cas échéant, ce n’est pas le protectorat de la Russie, mais le protectorat de l’Europe qui servira de bouclier à la Porte contre les attaques du pacha ; c’est avouer que la question de Constantinople n’est pas une question russe, mais une question européenne ; que nul ne pourrait essayer de la décider tout seul, dans son intérêt particulier, sans prendre en même temps une attitude hostile envers les autres puissances, et en particulier envers la France.

C’était là, nous le reconnaissons, le but des efforts constans du cabinet français : soustraire la question d’Orient à la juridiction exclusive de la Russie pour la soumettre aux décisions de la politique européenne. Il appartient d’autant plus à la France de maintenir à tout prix cette politique, que nous ne pouvons pas être soupçonnés dans la question d’Orient des arrière-pensées d’envahissement et de conquête qu’il est si facile, si naturel de supposer à la Russie. Nous soutenons un intérêt européen, et nullement un intérêt exclusivement français. Que nous importe la forme de la nouvelle civilisation qui paraît s’élaborer pour l’Orient ? Ce que nous voulons avant tout, c’est qu’aucun pachalick ne devienne ni un comptoir anglais, ni une province moscovite.