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Kaboul, avaient secoué le joug, sans rompre entièrement toutefois leurs relations avec Shah-Shoudjâ, dont ils avaient même, à diverses reprises, secondé les tentatives malheureuses pour remonter sur le trône de ses pères. Les Amirs avaient conclu des traités d’alliance et de commerce avec le gouvernement anglais[1] ; le dernier datait de 1832, et stipulait, de la part de chacune des parties contractantes, le respect le plus inviolable pour les possessions de l’autre, de génération en génération (article 2 des traités). Balk était tombé dans la dépendance de Bokhara. Le Moultân et le Kashmir étaient, ainsi que Peshaver, au pouvoir de Randjît-Singh. Hérat enfin était, comme nous l’avons vu, le seul débris de la grande monarchie Douranie que possédât encore un prince de la famille royale des Saddozaïs, Shâh-Kamran.

De tous les chefs de la tribu des Barekzaïs, depuis la mort des deux aînés de cette famille, Fatteh-Khan et Azîm-Khan, Dost-Mohammed-Khan paraît avoir été le seul homme de tête et le seul propre aux affaires de gouvernement, le seul surtout, tant à cause de ses talens militaires que de ses ressources, qui fût en état de résister aux envahissemens de Randjît-Singh. Il est probable qu’il aurait fini par ranger la plus grande partie de l’Afghanistan sous sa loi et fondé peut-être une monarchie durable, si les Anglais, par une inspiration soudaine de leur politique, n’eussent songé à faire prévaloir les droits si long-temps oubliés ou méconnus de leur hôte Shah-Shoudjâ au trône de Kaboul. Les frères de Dost-Mohammed n’avaient, au contraire, réussi à se faire remarquer, dans leur gouvernement de Kandahar, que par la persistance infatigable de leur cupidité et de leur tyrannie. Ils avaient ruiné le commerce et l’industrie, et réduit les populations à désirer le retour de leurs anciens maîtres, les Saddozaïs, originaires, comme tous les Douranies, de cette portion du pays où leur antique race est en grande vénération. Hérat n’était guère plus heureux sous la domination de Shah-Kamran ; mais ce prince était le seul rejeton de la race royale autour duquel on pût se rallier sans intervention étrangère. Il manifestait, d’année en année, l’intention de marcher contre les Barekzaïs, et l’espoir de rentrer en possession de Kandahar, siége primitif du pouvoir de ses ancêtres. Hérat appelait de ses vœux le jour où l’ancienne capitale lui succéderait dans l’onéreuse distinction de servir de résidence ha-

  1. Le premier traité datait de 1809. Il y était stipulé que la tribu des Français (the tribe of the French) serait exclue de tout établissement dans le pays. Voyez Auber’s Rise et Progress of the British Power in India, vol. 11, pag. 460.