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LA PRESSE PÉRIODIQUE DANS LE NORD.

illustres du temps de Carl Knudzon et de Gustave Wasa, de Gustave-Adolphe et de Charles XII, subsistent encore et composent un corps puissant et nombreux. Ces familles nobles n’ont plus que quelques vains priviléges ; mais elles ont encore l’ascendant que leur donnent leur fortune, leurs alliances et cette sorte de respect héréditaire que, dans les pays même les plus démocratiques, on ne saurait refuser à certains noms. Le roi lui-même, en arrivant en Suède, devait céder à cet ascendant. S’il lisait l’histoire du royaume qu’il était appelé à gouverner, il y trouvait à chaque instant le témoignage de l’ancienne gloire et de l’ancienne autorité des familles nobles. S’il regardait autour de lui, il les voyait investies, par une sorte de droit naturel, des principaux emplois de la cour, de l’armée et de l’administration. Comment aurait-il pu renverser un ordre de choses que la nation elle-même avait accepté depuis un temps immémorial, entrer en lutte avec la partie la plus vitale, la plus puissante de son royaume, et désorganiser tout un système d’administration pour le plaisir de substituer à certains emplois des noms plébéiens à des noms aristocratiques ? Le passé et le présent lui traçaient sa route ; il respecta la noblesse et lui céda, comme ses prédécesseurs, une part importante dans les affaires.

Cette conduite, que des raisons graves imposaient à Charles-Jean, est devenue un des sujets les plus fréquens de récrimination de la part des hommes de l’opposition. Ils représentent la noblesse comme un corps rétrograde ou tout au moins stationnaire, et tous leurs efforts tendent à diminuer son action, afin d’accroître et de constituer celle de la bourgeoisie. L’opposition reproche aussi au gouvernement de pencher vers la Russie. Ce grief serait grave s’il était fondé, et l’on conçoit parfaitement qu’il puisse réveiller dans l’esprit du peuple de vieilles haines et effaroucher l’orgueil national ; mais nous ne connaissons rien qui justifie les reproches que certains écrivains adressent à cet égard au gouvernement, et nous pourrions citer plusieurs faits qui prouveraient tout le contraire, notamment les coups de canon tirés, il n’y a pas long-temps, par la forteresse de Waxholm sur un vaisseau de guerre russe qui refusait d’arborer son pavillon.

Du reste, les journaux de l’opposition, en Suède, ne sont ni anti-constitutionnels ni anti-monarchiques ; ils ne demandent que des modifications au système actuel, et regardent comme une dynastie très légitime et très durable la dynastie de Bernadotte. Tout ce que les utopistes de l’ancien régime ont dit de l’avenir du prince Wasa et des révoltes du peuple en sa faveur est parfaitement ridicule. Il n’y a eu de révoltes en sa faveur que dans les colonnes de la Gazette de France, qui s’amusait encore, il y a deux ans, à représenter une émeute de mineurs dans une ville où il n’y a pas un seul mineur. Tout ce que M. Laing a écrit dans son dernier ouvrage, au sujet de la dynastie de Suède actuelle, n’est que le travail inconsidéré d’un homme qui, après avoir passé trois ans à faire un livre sur la Norvége, s’est imaginé qu’il pourrait en faire un, dans l’espace de deux mois, sur la Suède[1]. Il en est du prince

  1. M. Laing est un Anglais qui vint s’établir, il y a quelques années, en Nor-