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CONSTANTINOPLE.

On découvre Galatz d’assez loin. Cette ville se divise en deux parties ; la cité nouvelle occupe une colline élevée d’où le regard plane sur le Danube et sur les belles montagnes de la Bulgarie ; des maisons élégantes et construites en pierres donnent à ce quartier un aspect européen ; les inondations fréquentes du Danube forceront les habitans de la vieille ville à suivre l’exemple de ceux qui se sont établis sur la hauteur. Les masures qui obstruent le port une fois détruites, on pourra songer à profiter des carrières voisines pour construire quelques quais qui deviendront des remparts contre la crue des eaux et permettront de placer avec sécurité des magasins sur les bords même du Danube. On descend à ce fleuve par des rues tortueuses, remplies encore de vieilles constructions turques où les négocians ont provisoirement ouvert leurs comptoirs. Une population cosmopolite se presse dans les bazars et dans les nombreux cafés de Galatz. Les Moldaves, les Grecs, les Ioniens et les Génois, dont les relations commerciales avec l’Orient ont repris assez d’activité, se partagent en groupes où dix idiomes se confondent ; les juifs, méprisés de tous, traînent honteusement leurs souquenilles noires sur le port, dans l’attente des étrangers qu’ils persécutent de leurs offres de service et de leur opiniâtre persistance. Depuis 1832, quatre cents navires abordent chaque année à Galatz. Le Danube, en cet endroit de son cours, ne s’élève plus qu’à trois mètres au-dessus du niveau de la mer, et les bâtimens de trois cents tonneaux le remontent facilement depuis le mois d’avril jusqu’à la fin de novembre. Le bois, les blés, des huiles de diverses espèces, les meilleures cires de l’Europe, et entre autres une cire verte et parfumée particulière à la Moldavie, tels sont les principaux produits de la province. Ainsi que la Valachie, la Moldavie eut beaucoup à souffrir du gouvernement phanariote ; selon l’insolente expression des hatti-scherifs, les deux principautés étaient les fermes de Stamboul ; la seconde cependant fut toujours moins misérable que la première. Aujourd’hui encore, la Moldavie, moins étendue et moins peuplée que la Valachie, est cependant plus riche ; les boyards y vivent davantage sur leurs terres ; l’hospodar actuel, Michel Stourdza, connaît à merveille les ressources du pays, et si on peut lui reprocher un amour un peu prononcé pour le gain, il faut avouer aussi que, tout en augmentant sa fortune particulière, il donne à l’agriculture et au commerce une impulsion favorable aux intérêts généraux. Aleko Ghika, prince de Valachie, est un homme à imagination romanesque, plein de bonnes intentions, mais trop faible pour les exécuter, probe, et cependant incapable de réprimer la corruption