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L’AFGHANISTAN. — MŒURS DES AFGHANS.

et c’est une faute que les politiques du pays reprochent à Timour-Shâh. Nous avons vu que Shâh-Shoudja a eu soin de prendre possession solennelle de sa couronne à Kandahar. Cependant il paraîtrait porté à fixer sa résidence habituelle à Kaboul. Peut-être changera-t-il de résidence selon les saisons. D’après les derniers avis, il se préparait à se rendre avec le ministre anglais et toute sa cour à Djellalabad, sur la route de Peshaver, autrefois sa capitale favorite, mais maintenant au pouvoir des Sikhs. Shâh-Shoudja regrettera plus d’une fois Peshaver et le Cachemir ; il ne faudrait même pas s’étonner que ces regrets prissent plus tard un caractère politique. Kaboul et Peshaver sont pour le Tourân et l’Inde ce que Hérat et Kandahar continuent à être pour tout l’ouest et le sud, c’est-à-dire de grands entrepôts de commerce. Les relations auxquelles ce commerce donne lieu s’étendent de ces quatre villes à travers toute l’Asie. Cependant elles ont beaucoup souffert des troubles politiques de la Perse et de l’Hindoustan. Anciennement, du temps du shah Abbas-le-Grand (pendant le séjour de Chardin à Ispahan, 1674), on a vu sur la route royale des caravanes de deux mille hommes, portant pour une valeur de plus de treize millions et demi de livres.

Le recensement ou plutôt l’énumération que fit le sultan Baber des peuples habitant l’Afghanistan, ne saurait plus être admis maintenant. Plusieurs races kafers ont disparu ou se sont confondues avec les races mogholes et afghanes. D’autres, et surtout les tribus afghanes, se sont dispersées et établies par groupes dans les différens recoins des montagnes ; d’autres encore, comme les Arméniens et les Hindous, ont émigré et ont donné naissance à des colonies considérables telles que Guèbres, Patanes, Rohillas. Ce peu de mots doit faire comprendre combien il serait difficile de donner une notice historique exacte sur chacun de ces peuples. Cependant nous pouvons, avec beaucoup de probabilité, les ranger tous dans deux grandes catégories, savoir, celle des peuplades autochtones, et celle des peuplades immigrées.

Sous le nom de Thâl, Tadjik, Tadschik, Tadschek, il faut comprendre toute cette réunion de peuplades agricoles qui occupe le pays supérieur de l’Irân, n’appartenant à aucune des races nouvellement dominantes, et n’ayant d’autre unité que celle de la même dégradation et du même avilissement. L’origine du mot Tadjik[1] est per-

  1. Malcolm hist. of Persia, tom. II, pag. 606.