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REVUE. — CHRONIQUE.

féré le connu à l’inconnu, le parti sage au parti aventureux, le parti qui devait lui susciter des accusations, des reproches, au parti qui lui aurait valu les éloges, les hymnes des opinions extrêmes. M. Barrot a droit d’être fier de sa noble conduite.

Si la gauche s’est divisée, les conservateurs à leur tour sont loin d’être unanimes. Les uns, comprenant la nouvelle situation politique, se sont franchement ralliés au ministère ; d’autres se tiennent en observation, et, sans être hostiles, ils sont méfians ; enfin il en est (le nombre de ces derniers, il faut le dire, s’est fort atténué) qui voudraient se persuader que rien n’est changé dans l’état des partis depuis le ministère Périer, qu’il faut toujours crier à tue-tête contre la gauche tout entière, dire et croire que tout est préparé pour nous ramener 1792 pour le moins. Ils voudraient, disons-nous, se le persuader à eux-mêmes ; en réalité, ils ne le pensent guère. C’est tout ce qu’on peut dire de plus favorable pour eux. S’ils croyaient réellement que le moindre contact du gouvernement avec une portion quelconque de la gauche est un grand péril pour le pays, ils auraient commis un acte bien coupable en forçant, par leurs répugnances et leurs hostilités, le ministère à chercher un point d’appui dans la gauche. Pensaient-ils que le cabinet pourrait ensuite ne rien faire pour elle, qu’il travaillerait au contraire à briser de ses mains l’appui qu’on lui aurait rendu nécessaire ?

Au surplus, soyons justes, la gauche ralliée n’a point abusé de la situation qu’on lui avait faite. Elle a soutenu le pouvoir avec fermeté, avec courage, avec désintéressement. Qu’a-t-elle exigé ? Qu’a-t-elle, obtenu ? On répand des bruits sans nombre, mais le Moniteur est sobre de concessions faites à la gauche.

Le travail sur les préfectures ne vaut pas la peine d’être cité. C’est un petit remaniement administratif : ce n’est pas là un fait politique.

Quant à la nomination de M. Nicod à la place vacante à la cour de cassation, nous n’avions qu’une seule crainte, c’est que M. Nicod ne l’acceptât pas. Il serait difficile de trouver un jurisconsulte plus digne de siéger dans la cour suprême du royaume.

On parle maintenant d’un remaniement dans notre diplomatie. Nous ne savons pas bien ce qu’il peut y avoir de positif dans les bruits qui circulent à ce sujet. M. de la Redorte, dit-on, irait à Madrid ; M. de Rumigny viendrait à Bruxelles, ambassade de famille. M. Bresson remplacerait à Constantinople M. Pontois, qui passerait à Berlin. Comme on le voit, tout se bornerait à des déplacemens et à la promotion de M. de la Redorte, qui a su se faire une position dans la chambre des députés.

Quoi qu’il en soit, nul n’a le droit de se plaindre de voir des hommes de la gauche ralliée arriver aux affaires, lorsque leur nomination, justifiée par une capacité incontestable, ne blesse d’ailleurs les droits de personne.

L’œuvre à accomplir, nous ne cesserons de le répéter, c’est la fusion de toute la portion de la gauche qui ne méconnaît pas les conditions et les nécessités de notre gouvernement, avec les conservateurs modérés et raisonnables,