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SALON DE 1840.

souvenirs d’Orient sans se donner la peine de composer un tableau. Si M. Marilhat ne se hâte de prendre sa revanche, il réussira bientôt à faire oublier l’éclat de ses débuts. La vue du Château d’Arques de M. Paul Huet offre plusieurs parties recommandables : je crois pouvoir louer en toute assurance la couleur de la colline, le fond et le ciel ; mais je ne saurais approuver le ton des arbres placés sur le devant du tableau, toute cette partie de la toile est d’une crudité qui fait tache. Tout en respectant le contraste que M. Huet a voulu établir entre le second et le troisième plan de son tableau, il conviendrait, je crois, d’adoucir le ton des arbres et de leur donner un peu plus de légèreté. Les paysages de M. Cabat n’offrent pas toutes les qualités de ses précédens ouvrages, et les défauts de l’auteur deviennent plus sensibles à mesure qu’il agrandit le cercle de ses compositions. Égaré par l’amour de la précision, il se croit obligé d’amener au même degré d’exécution tous les plans de ses tableaux ; ainsi, dans la vue du Lac de Némi, les fonds sont aussi faits que les devants, ce qui nuit singulièrement à l’effet. Cet amour exagéré de la précision choque plus vivement encore dans la toile que M. Cabat nomme le Samaritain ; la route placée à droite du tableau offre d’un bout à l’autre la même solidité, de telle sorte que l’extrémité supérieure paraît être aussi voisine de l’œil que l’extrémité inférieure. Toute la partie gauche du tableau est traitée avec une rare habileté ; mais, quel que soit le mérite de cette composition, nous croyons que l’importance du paysage ne s’accorde pas avec l’étendue de la toile : réduit aux deux tiers de son étendue, le paysage de M. Cabat aurait certainement plus de valeur. Quant à la parabole chrétienne que M. Cabat croit avoir encadrée dans son paysage, je dois dire qu’elle ne me semble pas faire partie de la composition. Lorsque Poussin conçoit un paysage historique, il a toujours soin de placer ses personnages de façon à les rendre nécessaires ; s’ils disparaissaient, le paysage serait incomplet. Or, dans le Samaritain de M. Cabat, les personnages, loin d’être nécessaires, ne sont pas même utiles ; qu’ils soient absens ou présens, le paysage a le même sens et la même valeur. M. Cabat a donc maintenant deux choses à étudier, le côté optique et le côté poétique du paysage ; il faut qu’il tienne compte de l’éloignement dans l’exécution des différens morceaux, et qu’il apprenne l’art si difficile de relier étroitement les figures et le paysage.

La Vue de Constantinople, de M. Gudin, est un lazzi pareil aux précédentes improvisations de l’auteur. Dans cette toile dont la couleur