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ne saurait être définie, il est impossible de saisir la forme d’aucun objet. M. Gudin a traité Constantinople comme il avait traité si souvent l’Italie ; le tableau qu’il a exposé cette année, n’apprendra rien aux ignorans et ne rappellera rien à ceux qui ont vu, car le ton beurré qu’il a étalé sur sa toile n’appartient à aucun climat ; c’est une composition exécutée avec une déplorable facilité. L’Entrée du port de Marseille de M. Eugène Isabey comptera certainement parmi les meilleurs ouvrages de l’auteur ; le ton des eaux est d’une vérité parfaite ; les navires sont exécutés avec une adresse miraculeuse. Il est fâcheux que la forme de la toile nuise à l’effet de cette composition, il y aurait de l’avantage à supprimer le tiers supérieur de ce tableau.

Le Strafford de M. Paul Delaroche, gravé par M. Henriquel Dupont, est un chef-d’œuvre de précision et de pureté ; toutes les parties de cette planche sont traitées avec un soin scrupuleux et une habileté rare. Les têtes, les vêtemens, la pierre, sont rendus avec une patience et une finesse qu’il est, je crois, impossible de surpasser. Nous n’avons que des éloges à donner à M. Dupont ; mais nous croyons que chacun, en étudiant cette planche, comprendra toute l’insuffisance, toute la vacuité de la composition de M. Paul Delaroche. La gravure est une épreuve décisive, une épreuve que les œuvres secondaires n’affrontent jamais impunément. Le Strafford est un des tableaux où M. Delaroche a montré le plus de talent et de savoir dans l’exécution des morceaux ; malheureusement cette toile est vide, et ce défaut, que la couleur dissimulait à grand’peine, est tout-à-fait choquant dans la gravure. M. Dupont a fait tout ce qu’il pouvait faire ; il a eu beau varier le travail de son burin, il ne lui était pas donné de garnir le vide laissé sur la toile par M. Paul Delaroche.

Le portrait de M. Guizot, gravé par M. Calamatta, n’est pas indigne de l’artiste habile qui a si dignement traduit le Vœu de Louis XIII. Le masque et les mains sont rendus avec une souplesse, une vérité qui ne laisse rien à désirer. La taille adoptée pour le vêtement est d’un bon effet sous le rapport de la couleur ; toutefois je ne conseillerais pas à M. Calamatta de prendre ce parti à l’avenir, car dans le portrait qui nous occupe, la couleur est obtenue aux dépens de la forme. Il est nécessaire de varier le travail de la gravure selon la nature des objets qu’il s’agit de représenter, mais le burin ne doit jamais oublier la forme pour la couleur. Malgré le défaut que je signale, le portrait de M. Guizot est une œuvre qui ferait honneur aux plus habiles. La peinture de M. Paul Delaroche offrait au gra-