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néral de cette figure est heureusement conçu ; la poitrine et les bras sont étudiés avec soin et rendus avec habileté. Toutefois, je pense qu’il eût mieux valu donner une direction uniforme aux doigts de chaque main. Il est probable que M. Maindron a voulu, en donnant à chaque doigt une direction particulière, exprimer les symptômes de la souffrance ; mais je pense que les lois de son art lui conseillaient plus de simplicité. La tête offre tous les caractères de l’agonie ; les yeux, la bouche et les joues disent clairement que le supplicié va mourir ; malheureusement, M. Maindron, uniquement préoccupé de l’expression de la douleur, a négligé d’inscrire la divinité sur le front du Christ. Il a modelé la tête d’un homme expirant ; il a oublié qu’il avait à modeler la tête d’un dieu revêtu de la forme humaine. Le visage de son Christ, bien que traité avec une vérité remarquable, ne satisfait pas la pensée du spectateur, car il est dépourvu d’élévation. La chevelure et la couronne d’épines sont disposées de telle sorte que la tête paraît un peu trop grosse. Les détails musculaires des deux aisselles sont indiqués avec franchise, et révèlent chez M. Maindron le désir sincère de copier la nature qu’il a sous les yeux. Peut-être ce désir est-il chez lui poussé trop loin ; peut-être eût-il mieux valu ne pas transcrire avec l’ébauchoir tout ce que l’œil aperçoit dans le modèle vivant. L’omission volontaire de plusieurs détails eût donné à la partie supérieure de cette figure plus d’élégance et de majesté. Je n’approuve pas le mouvement donné par M. Maindron à la cuisse gauche de son Christ ; le sujet prescrivait impérieusement de placer les deux cuisses sur le même plan. J’ajouterai que les muscles de la cuisse gauche sont traduits mollement ; la forme des pieds est pauvre et vulgaire. Nous devons regretter que M. Maindron n’ait pas apporté plus de soin dans cette partie de son travail. Je crois volontiers qu’il a copié la forme qu’il avait sous les yeux ; mais si M. Maindron avait devant lui un modèle vulgaire, il devait le rectifier, ou s’il se défiait de son savoir, il devait s’efforcer de trouver un modèle plus élégant et plus riche. Quoique les autres parties de la figure aient une forme plus heureusement choisie, l’ensemble de cet ouvrage n’est pas traité dans le style que réclamait le sujet. M. Maindron paraît plein de zèle ; il poursuit ses études avec persévérance, et si chacun de ses ouvrages n’est pas un progrès, s’il se rencontre, dans la série de ses travaux, des aberrations fâcheuses, telles que la Velléda de l’année dernière, son talent est cependant supérieur à ce qu’il était il y a cinq ans. Mais il est évident pour nous que M. Maindron se préoccupe à peu près exclusivement du côté réel de son art, et en néglige presque toujours