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DE LA MISE EN SCÈNE CHEZ LES ANCIENS.

ratores histrici[1], propriétaires d’un personnel scénique qu’ils louaient aux éditeurs de jeux. Les édiles mettaient ces directeurs et leur troupe à la disposition des poètes, dont ils avaient agréé la pièce. C’est ainsi que furent jouées les comédies de Cécilius[2] et celles de Térence. Il arriva même, et ce fut une des causes de la décadence rapide de l’art dramatique dans l’empire romain, que les magistrats et les éditeurs de jeux traitaient quelquefois avec les chefs de troupe pour un spectacle dont ils laissaient la composition à leur choix, de sorte que les poètes, au lieu de porter directement leurs pièces aux édiles, les vendaient à ces entrepreneurs dramatiques, redemptores scenici[3]. Je crois, par exemple, que l’Hécyre de Térence, vendue la première fois par l’auteur aux édiles, la seconde fois aux héritiers de Paul Émile, fut achetée la troisième fois par le protagoniste-directeur Ambivius Turpio et jouée à ses risques et périls, sorte de marché qu’il lui arrivait souvent de conclure, comme il nous l’apprend lui-même, « pretio emptas meo[4]. »

À présent que nous savons de quelle manière étaient organisées les troupes de comédiens, voyons quels soins leur instruction exigeait des poètes et des didascales.

DISTRIBUTION DES RÔLES.

Et d’abord, au milieu des divers régimes que nous venons d’exposer et qui ont plusieurs fois modifié les rapports des comédiens et des auteurs, ceux-ci ont-ils toujours conservé le droit de distribuer les rôles ?

Dans les premiers temps, lorsque les poètes étaient à la fois acteurs et chefs de troupe, ils réglaient incontestablement eux-mêmes cette partie de la mise en scène. Plusieurs textes prouvent qu’ils continuèrent d’agir ainsi avec les comédiens que leur fournissaient les magistrats et dont ils n’étaient pas directeurs. Le tirage au sort des acteurs, qui fut quelque temps en usage à Athènes, et qu’on ne paraît pas avoir pratiqué à Rome, ne gênait en rien les poètes dans l’exercice de ce droit. Seulement ils étaient forcés de renfermer leur souveraineté dramatique dans le sein de la troupe qui leur était échue. À Rome, les poètes portaient leurs ouvrages à la compagnie de comédiens qui leur agréait ; le protagoniste Ambivius dit dans le prologue de l’Héau-

  1. Plaut., Pœnul., prolog., v. 4.
  2. Terent., Hecyr., prol. alt., v. 6.
  3. Murator., Inscript., 948, 4.
  4. Terent., ibid., v. 49. — Mme Dacier donne à ce passage un sens que je ne crois pas le véritable.