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périphrase, surpassent même les timidités les plus apprêtées de l’école classique. Ainsi, différente de la tragédie dont elle viole en plus d’un point les sévères convenances, non moins différente du drame dont elle n’a pas l’animation et la variété, cette œuvre mixte ne prend plus rang, surtout à la lecture, que comme une épître ingénieusement dialoguée sur la tolérance religieuse ; expression directe, à tout prendre, de l’impartialité toute philosophique de l’auteur.

On ne sait trop que dire de la Popularité, cet infructueux essor de M. Casimir Delavigne dans la comédie politique, terrain vierge pourtant, et le seul peut-être qui soit à exploiter de nos jours. Si je ne me trompe, le poète a fait défaut au genre, moins par insuffisance de talent que par une allure naturelle trop peu appropriée. M. Casimir Delavigne, on l’a très justement observé, n’est pas de la famille d’Aristophane. Il ne lui appartenait donc point d’aborder la comédie directe, personnelle, nominale, que nos mœurs et nos lois ne sauraient d’ailleurs autoriser, et que les Cléon de nos jours ne voudraient point souffrir. Mais dans cette transaction même de comédie moyenne ou indirecte qu’il a tentée, et dans laquelle l’auteur plus osé de Bertrand et Raton avait su provoquer le rire, M. Delavigne apportait encore trop de ménagement impartial et de tempérament d’honnête homme. Traduisant clairement des passions et des faits contemporains, nationaux, sous l’allégorie d’une date ancienne et de noms étrangers, il a craint de calomnier, même à distance, l’année 1838, qui se pouvait lire à travers l’énoncé de l’an 1745 et du règne de George II. Les caractères divers de sa pièce devant être, dans la pensée de l’auteur, autant de symboles d’un principe, d’une opinion, d’un parti régnant, on comprend que par loyauté il ait tenu à dessiner chacun dans son meilleur jour. Aussi, à l’exception de Godwin, qui seul jette une ombre dans son coin, la plupart des autres paraissent-ils calqués sur la réalité la moins obscurcie. Sir Édouard Lindsay représente bien l’orateur de l’opposition, généreux, éloquent, plein d’une foi naïve dans les triomphes populaires ; son vieux père sir Gilbert, le sage désabusé, sachant le fond des affaires qu’il a pratiquées avec fruit ; Mortins, le républicain honnête, sincère, rempli d’enthousiasme et de patriotisme ; lady Straffort, la fidélité jacobite dans son aspect un peu aventureux et romanesque ; lord Derby, l’opinion accommodante qui pactise volontiers pour atteindre son but. Il n’est guère, au milieu de tout cela, que Caverly dont le scepticisme railleur tranche par une nuance plus hasardée. De là généralement une peinture de la plus entière et de la plus sereine