étranger à des actes, à des mesures dont, en aucun cas, il ne doit répondre au pays.
C’est sans doute chose bien vulgaire que de se placer entre deux opinions et de reproduire toujours ce juste-milieu, désormais si décrié. Mais qu’y faire ? Est-ce notre faute, à nous, si le bon sens paraît chose vulgaire, et si, dans les affaires de ce monde, un juste tempérament, une conciliation des idées en apparence les plus contraires, sont chose plus sensée que tout système exclusif ?
Les ministres sont responsables. Quelle est la conséquence de ce principe fondamental ? Que les ministres doivent agir avec liberté et pleine connaissance de cause. C’est à eux en effet que le pays aura le droit de s’en prendre en cas de malheur, c’est à eux qu’il demandera un compte sévère des actes du gouvernement. Or, il serait révoltant, immoral, qu’on pût demander à la justice sociale la tête d’un homme que la conscience publique proclamerait n’avoir été qu’un instrument aveugle et passif, également dépourvu d’indépendance et de lumières. Faites une supposition absurde, ridicule : supposez qu’un roi constitutionnel prît un jour pour ministre un de ses valets de pied, et qu’une mesure funeste, coupable, fût mise à exécution sous le contre-seing de cet homme ; oserait-on, qu’on nous le dise, le traduire devant une cour de justice et lui demander compte de son fait politique ? Là où il n’a pu y avoir libre concours de l’intelligence et de la volonté, il ne peut y avoir de responsabilité. Il n’est pas de fiction possible contre la conscience humaine.
Mais s’ensuit-il que le roi doive rester étranger au gouvernement du pays, qu’il ne puisse pas connaître, approfondir les intérêts de la France, les débattre, dire son avis, donner son opinion, et chercher, précisément parce qu’il la croit bonne, à la faire adopter, à la faire prévaloir ? Singulière idée ! Il n’est pas un Français, il n’est pas d’homme qui ne puisse communiquer ses pensées à un ministre, les soutenir, les débattre avec lui, qui ne puisse insister, faire tous ses efforts pour les faire prévaloir, pour les faire adopter. Est-ce à dire que cet homme, que ce Français, quelque habile, quelque considérable qu’il puisse être, ôterait par ses conseils quelque chose à la responsabilité du ministre ? Est-ce à dire que M. le maréchal Soult conseillant M. de Cubières, et M. de Portalis insistant pour l’adoption d’une mesure auprès de M. le garde-des-sceaux, enlèveraient, si leurs conseils n’étaient pas approuvés du pays, toute responsabilité aux ministres de la justice et de la guerre ? Nullement.
Et ce que tout homme peut faire, le roi seul ne le ferait pas ! le roi, chef suprême du pays ; le roi, dont les intérêts sont profondément, et plus que ceux de personne, identifiés avec les intérêts de la France ; le roi, qui doit décider la question de savoir quels sont les hommes les plus propres au maniement des affaires, les hommes qui peuvent former un cabinet en harmonie avec les intérêts de l’état ! Il doit donc connaître à fond ces intérêts, les hommes et les choses, les tendances des uns, la marche des autres.