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solu d’un système. Nous savons qu’elles peuvent soulever des objections nombreuses ; nous savons surtout que rien n’est prêt en France pour leur réalisation. Laissons-les mûrir ; le temps est le premier élément des réformes. Les habitudes prises, les positions faites ne cèdent pas la place sans combat, et cette résistance est utile, car elle éclaire les questions. Les idées triomphent alors par l’évidence. Cependant, comme préparation même éventuelle, peut-être serait-il avantageux dès à présent de faire entrer, d’une part, dans l’instruction des troupes une tactique complète de l’embarquement et du débarquement, et de fixer cette science si elle ne l’est point encore ; d’autre part, d’encourager, par toutes les voies, les développemens de la navigation à vapeur. Ces deux vues se défendent et se justifient d’elles-mêmes. Déjà en Afrique on a pu comprendre le besoin d’exercer les soldats aux descentes et de les habituer à la vie du bord. Ce mouvement, cette existence alternée forment les courages et familiarisent l’ame avec tous les périls. C’est un apprentissage fécond et qui, mieux dirigé, pourrait l’être davantage. La manœuvre des débarquemens n’a eu jusqu’ici pour théâtre que des pays arriérés dans l’art de la guerre. La double invasion des Français en Égypte en 1797, et dans la régence d’Alger en 1830, eut lieu sans obstacle et s’exécuta presque par instinct. On ne rencontra sur le littoral aucune résistance sérieuse. Pour des positions plus disputées, il faudrait avoir des données fixes et méthodiques, une théorie complète. Un rivage peut se prendre d’assaut comme un fort : c’est un art tout entier dont il faut démêler les rudimens, ordonner l’ensemble, étudier les applications. Les divers modes d’attérage, la formation des chaloupes de descente, leur construction, le rôle de l’escadre qui protège ces mouvemens, l’ordre des lignes, la disposition des colonnes à terre, tout doit être combiné avec soin, enseigné, pratiqué, en laissant le moins possible à l’imprévu et au hasard. Quelques réglemens mixtes pour éviter les confusions de compétence entre les officiers de terre et de mer compléteraient ces mesures. Ainsi, sans poursuivre hardiment et systématiquement la fusion, on en préparerait du moins les moyens élémentaires.

Quant à l’impulsion à donner à la navigation à vapeur, on ne saurait y prêter une attention trop sérieuse. Sur ce point encore, le commerce anglais précède son gouvernement et lui ménage de puissantes ressources. Cent cinquante gros steamers d’une force de vingt cinq mille chevaux pourraient, dans un cas donné, passer en Angleterre d’un service particulier au service de l’état. Notre commerce