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térêt politique et régner là où il devrait obéir. Naturaliser en France la fabrication des moteurs à feu, c’était, non-seulement émanciper notre industrie, mais encore assurer notre défense. Tributaires des Anglais pour les machines à vapeur, que serions-nous devenus dans un cas de guerre ? Qui aurait armé nos bateaux ? qui aurait entretenu leurs appareils ? Tout conseillait alors d’éveiller, de protéger, de doter les entreprises de ce genre. Quelques essais avaient eu lieu et se continuent : à Arras, M. Valette ; à Mulhouse, M. Kœchlin à Paris, M. Cavé ; à La Ciotat, M. Benet ; au Creusot, M. Fournel. Des capitaux particuliers s’étaient courageusement engagés dans une question d’utilité générale. Il ne s’agissait plus que de seconder franchement cette initiative. L’administration ne l’a fait qu’à demi ; elle n’a pas su pour une exception aussi méritante, renoncer à ses soupçons, déroger à ses tendances. On lui demandait l’exemption d’un droit excessif sur l’outillage. Elle a refusé. On lui demandait la faculté de travailler à l’entrepôt la tôle anglaise, moins coûteuse que la nôtre, et de la réexporter enrichie de la plus-value que lui aurait donnée la main d’œuvre nationale. Elle a refusé. Il a fallu que l’opinion lui forçât la main pour la restitution du droit sur les machines destinées à un service entre le littoral français et le littoral étranger. En un mot, l’attitude du gouvernement vis-à-vis des nouvelles usines n’a pas signifié la protection, mais la défiance. Les administrations fiscales ont, en France, des qualités précieuses, de l’ordre, de la loyauté, du dévouement ; mais nous ne croyons pas que sur tous les points, leurs lumières soient à la hauteur de leur zèle. Dans les limites étroites où elles se meuvent, que de progrès n’ont-elles pas étouffés, que de sources de richesse n’ont-elles pas taries ! L’Angleterre ne se suicide pas de la sorte. Sa bienveillance vis-à-vis des établissemens qui intéressent la grandeur du pays n’est ni étroite ni conditionnelle. Elle fait noblement et largement les choses. Pour les lignes de grande vapeur, on ne la voit pas marchander, même les millions, et quand il s’agit d’introduire dans les machines des perfectionnemens chanceux, elle intervient et supporte les frais d’expérience. Aussi améliore-t-elle chaque jour ses types, soit dans la disposition, soit dans l’ajustage, tandis que nos ateliers en sont encore à copier servilement les modèles du Sphinx.

Il faut le dire : les habitudes de l’administration ne sont pas le seul obstacle que rencontre l’essor de la fortune nationale, et les pouvoirs publics doivent encourir leur part de responsabilité. L’éducation de notre chambre des députés sur les questions d’influence extérieure, de