Page:Revue des Deux Mondes - 1840 - tome 22.djvu/544

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
540
REVUE DES DEUX MONDES.

chaleur rayonnante, et celles que M. Forbes fait paraître en anglais, ou que d’autres physiciens mettent au jour en allemand, sur le même sujet ? Comment lira-t-on dans les volumes des académies de Berlin, de Stockholm, de Pétersbourg, les mémoires de Mitscherlich, de Berzélius, ou de tel autre savant, écrits en allemand, en suédois, en russe ? Si l’Institut veut toujours garder son rang, il faut qu’il ne néglige rien de ce qui se fait sur la surface du globe dans toutes les branches des connaissances humaines ; car, dès que l’on saura que ce grand corps a l’œil à tout, on sera jaloux partout de mériter ses suffrages, et la France réunira de nouveau le faisceau des sciences et des lettres, qui menace de se diviser. Nos savans gagneront, sous tous les rapports, à cette vigilante curiosité, car, placés pour ainsi dire à l’affût de toutes les observations, de toutes les idées nouvelles, ils pourront, de bonne heure, les faire fructifier et en tirer d’heureuses conséquences : ils s’associeront ainsi à tous les progrès de la science. Un tel mouvement des esprits, un tel échange de lumières ne peut s’opérer que sous l’influence des grands corps savans, et c’est là le rôle qui convient surtout à l’Institut de France. De fréquentes et régulières communications avec les académies étrangères faciliteraient la propagation des faits scientifiques les plus intéressans ; et pourtant cela ne suffirait pas. Il faudrait que d’une manière quelconque, on parvînt à faire connaître chez nous tous les travaux remarquables publiés en langues étrangères. Du temps des califes, il y avait à Bagdad un collége de traducteurs qui travaillaient sans relâche pour les académies arabes : pourquoi n’attacherait-on pas à l’Institut un petit nombre de jeunes gens destinés à transporter en français, d’après les indications qui leur seraient fournies, les écrits les plus importans des savans étrangers ? Ces traductions pourraient même ne pas être imprimées. Déposées à la bibliothèque de l’Institut, consultées par tous les hommes spéciaux, qui en reproduiraient nécessairement la substance dans leurs écrits, elles serviraient à faire connaître promptement chez nous ce qui se fait dans toute l’Europe. La dépense qu’occasionnerait un tel établissement serait fort modique, et l’on en retirerait une immense utilité. Dans la vue d’avertir le public, on pourrait insérer au bulletin bibliographique des comptes rendus une analyse sommaire des ouvrages ainsi traduits. Sans un établissement destiné spécialement à faire connaître en France ce qui se fait à l’étranger, nous ne recevrons les nouvelles scientifiques que tard ou par accident. La langue française est trop universellement répandue pour que l’on ait jamais