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radja de Népal, le souverain de Djodpour, le nawab de Karnoul[1], méditaient des projets hostiles. L’issue de la campagne d’Afghanistan doit avoir une influence salutaire sur la stabilité du pouvoir anglais dans l’Inde. L’effet moral de la prise de Ghizni et de Kélât a été immense ; il ne fallait rien moins que ces éclatans triomphes pour couper court aux intrigues ourdies par les chefs du Sindh, du Radjpoutana et du Dekkan, et arrêter les combinaisons hostiles du souverain d’Ara et des népalais. Aussi, dans les remerciemens votés à lord Auckland par le parlement, est-il rendu hommage au jugement et à l’habileté avec lesquels les ressources de l’empire anglais dans l’Inde ont été appliquées, sous sa direction, aux opérations militaires à l’ouest de l’Indus.

Les dernières nouvelles de l’Afghanistan nous montrent Shâh-Shoudjah et sir William Macnaghten occupés de la réorganisation du pays, de la soumission de quelques chefs turbulens, et surveillant du haut des passes de l’Hindou-Koush les mouvemens des Ouzbeks, chez lesquels Dost-Mohammed a trouvé un asile. Le shâh s’applique surtout à se créer une armée et plus particulièrement une infanterie disciplinée à l’européenne. Les Afghans sont en général plus propres au service de la cavalerie, et c’est comme cavalerie qu’ils se sont rendus redoutables à leurs voisins ; cependant le Kohistan de Kaboul fournit d’excellentes recrues pour l’infanterie. Si le shâh réussit à se concilier l’affection et la confiance des principaux khans douranis et ghilzies, il ne tardera pas à exercer sur la nation, par l’intermédiaire de ces chefs, l’influence nécessaire à la consolidation de son autorité. Il pourra s’occuper alors de l’introduction de réformes qui doivent porter bien plus sur les vices de détail de l’administration intérieure que sur l’esprit même des institutions, institutions admira-

  1. Le 18 octobre dernier, le nawab de Karnoul a été fait prisonnier après une résistance courte, mais furieuse. Les troupes du nawab, composées principalement d’Arabes, d’Afghans et de quelques Beloutchis, ont fait preuve d’un courage désespéré, d’un dévouement chevaleresque, dignes d’une meilleure cause, disent les relations anglaises. La variété infinie et la profusion d’armes et de munitions qu’on a découvertes dans les caves du Zénana témoigne de la monomanie vraiment étrange du nawab, qui n’a pas dû dépenser moins de 6 lacs de roupies (1,500,000 francs), à l’achat seul du métal qu’on a trouvé en nature ou sous forme d’instrumens de guerre de toute espèce. Le secret et l’intelligence avec lesquels ces opérations avaient été conduites ont donné lieu de penser que cette affaire de Karnoul n’était peut-être qu’une ramification d’un complot plus étendu pour le renversement du pouvoir anglais dans l’Inde.