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LA PEINTURE ET LA SCULPTURE EN ITALIE.

l’art, que ses moyens, en un mot, sont les mêmes qu’il y a trois siècles, on peut se figurer qu’on assiste à la construction de quelqu’une de ces magnifiques églises de Rome, de Saint-Pierre, d’Ara-Cœli, ou de Saint-Jean-de-Latran. Voici de ce côté les ateliers des charpentiers et des menuisiers où l’on travaille les énormes poutres de sapin qui doivent soutenir la toiture et les bois sculptés des plafonds ; sous ces hangards, les mouleurs et les marbriers sont à l’ouvrage ; dans l’un, on scie les marbres et les granits échappés au feu, on sépare les parties calcinées et cariées des parties saines qui serviront à lambrisser les autels ou à orner les murailles de pilastres et de colonnettes ; dans un autre, on polit les marbres sciés ou les colonnes nouvellement débarquées : ces colonnes de granit d’un seul morceau sont extraites des carrières de Baveno sur le lac Majeur, non loin des îles Borromées. Du lac, elles passent sur le Naviglio-Grande, et du Naviglio-Grande dans l’Adriatique ; elles font ensuite le tour de l’Italie méridionale, et remontent le Tibre, sur les rives duquel on les débarque à deux cents pas de l’église en construction. Ces colonnes, revêtues de cordes pour éviter les avaries et transportées sur des rouleaux, remplissent des hangards où l’on s’occupe à les polir. Il faut près de trois mois pour polir une seule colonne, et malheureusement, comme nous l’avons dit tout à l’heure, le ton de ces granits est d’un gris-bleu un peu cru que le vernis du temps pourra seul adoucir.

L’atelier des sculpteurs n’est pas le moins curieux ; on y termine plusieurs colosses en marbre blanc de vingt-cinq à trente pieds de haut, et qui n’ont guère que le mérite de la masse. Là nous avons été témoins d’un spectacle tout-à-fait propre à l’Italie : des galériens travaillaient le marbre sous la direction d’un maître sculpteur, et le travaillaient avec talent ; mais néanmoins ce n’était là que de la sculpture de décoration. Le gouvernement romain ne peut entreprendre de si grands travaux qu’en embrigadant un grand nombre de ces forçats avec les autres ouvriers, qui les accueillent sans répugnance. Grace à ce concours, le prix de la main-d’œuvre devient presque nul. Lors de ma visite à Saint-Paul-hors-des-Murs, il y a quelques mois, trois cents ouvriers environ y étaient employés, et cependant cette restauration, commencée il y a quinze ans, marche fort lentement ; avant d’être achevée, cette église aura vu passer bien des Papes.

Quelqu’imparfaits que soient ces travaux, ils ne sont possibles qu’en Italie, et peut-être à Rome seulement, parce qu’à Rome seulement ils peuvent être en quelque sorte exécutés gratuitement. Ces