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ESPARTERO.

Il n’accepta pas et fit nommer à sa place, comme ministre de la guerre, un homme dont il était sûr, l’ayacucho Alaix. Sa rupture avec les exaltés n’en fut pas moins complète et prolongée. Le général Seoane ayant vivement attaqué la conduite des officiers signataires de l’adresse anti-ministérielle, Espartero répondit dans les journaux avec non moins de vivacité. Le nom de M. Mendizabal fut mêlé à cette polémique ; il répliqua ; Espartero répliqua à son tour. Dans toutes ces lettres, Espartero montrait une grande abnégation politique et une profonde soumission à la reine. Malheureusement cette grande modestie cachait un orgueil tout castillan et un intraitable désir de domination qui devait bientôt altérer la bonne harmonie entre le gouvernement et lui.

On lui offrit souvent d’être ministre ; il refusa toujours, mais il en résulta que son quartier-général devint un pouvoir dans l’état. Il ne se souvint bientôt plus de l’existence du gouvernement que pour lui adresser des plaintes amères sur le dénuement où on laissait l’armée, tandis qu’au contraire la nation s’épuisait pour elle. Il eut une première discussion avec les ministres, à la fin de juillet 1838, qui se termina amiablement. Peu à peu, les choses s’envenimèrent ; à mesure que sa puissance militaire croissait, ses prétentions s’augmentaient aussi. Quand les négociations s’ouvrirent pour la convention de Bergara, il procéda en souverain, sans rendre compte au ministère. Les ministres n’osèrent pas le rappeler au devoir, mais ils se promirent de prendre plus tard leur revanche. Les ovations qu’il reçut à Barcelone, après la retraite de don Carlos, achevèrent de l’enivrer.

Cependant les élections de 1839 avaient amené dans les cortès une majorité exaltée, et le ministère de M. Perez de Castro luttait péniblement contre cette majorité. Le gouvernement profita de la force que la pacification des provinces basques venait de donner au pouvoir pour dissoudre le congrès et faire appel à de nouvelles élections. En même temps, le ministère fut modifié dans un sens plus modéré, et des hommes comme MM. Montes de Oca et Calderon Collantes, connus pour appartenir aux opinions les plus fortement conservatrices, y furent appelés. Cette modification ministérielle aurait dû être du goût d’Espartero, car la question qui avait été le plus vivement débattue entre le cabinet et les cortès dissoutes avait été précisément celle des fueros, que la convention de Bergara avait garanties aux provinces du nord, et le décret qui reconnaissait ces fueros, obtenu des chambres avec beaucoup de peine, avait paru à Madrid le même