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D’UN LIVRE SUR LA SITUATION ACTUELLE.

cinq années de sanglantes guerres ? S’il en est ainsi, le cas n’est plus douteux : il faut se réhabiliter.

Quelques puissances disent, il est vrai : Nous avons assisté paisiblement au siége d’Anvers et à l’expédition d’Ancône. — Mais Ancône fut occupé du consentement de l’Europe, ou du moins en vertu du principe de non-intervention, qu’elle ne contestait pas ouvertement. Et qu’est Anvers, d’ailleurs, près de Constantinople et d’Alexandrie ? Anvers ne concernait que l’Angleterre, et l’Angleterre coopérait avec nous. La Belgique n’était-elle pas reconnue par les puissances, son territoire délimité d’un commun accord ? La France n’avait-elle pas donné des garanties de son désintéressement en refusant la souveraineté de ce pays pour elle d’abord, puis pour un des fils de son roi ? Et cette modération, la France en donnait l’exemple à des puissances qui avaient presque toutes des envahissemens à se reprocher depuis l’époque des arrangemens de Vienne !

Après tout, il est superflu de tant discourir. La liberté s’acquiert par le sang, les conquêtes aussi. La France a payé généreusement et avec héroïsme ces deux dettes. Il paraît que la prospérité intérieure, le développement progressif de la civilisation, les améliorations de la vie sociale doivent s’acheter non moins chèrement. Eh bien ! si on nous y force, acquittons-nous de cette dernière obligation ; conduisons encore, s’il le faut, si l’Europe le veut, notre belle génération sur les champs de bataille ; semons-y nos trésors. Il y a cinquante ans, l’Europe nous a vendu bien cher la liberté ; elle nous a fait payer à plus haut prix encore les conquêtes de Napoléon ; si elle veut nous imposer une autre rançon, ne marchandons pas avec elle. Depuis huit cents ans que la France se montre dans les combats, elle ne s’y sera jamais avancée pour une cause plus juste et qui intéresse autant tous les peuples, car notre prospérité n’est pas incompatible avec la prospérité de nos voisins et de nos alliés, comme est celle de l’Angleterre. Ajoutons que notre liberté, entourée de garanties d’ordre, est un bien commun à l’Europe. Nous en avons seulement le dépôt, et ce n’est peut-être que pour porter la main sur ce dépôt que quelques cabinets ont signé le traité de Londres, où les intérêts mal compris de deux ou trois trônes ont été préférés au bonheur des nations.


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