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ÉTUDES SUR L’ALLEMAGNE.

rales qu’ils font reposer leurs prérogatives, c’est sur les décrets d’un conquérant étranger, qui leur a distribué de nouveaux titres, de nouvelles provinces, et qui a substitué à leur autorité, limitée jadis par en haut et par en bas, ce qu’ils se plaisent à nommer la plénitude de la souveraineté. Quelques-uns, dépouillés par Napoléon, rentrent en possession de leurs états ; mais, comme on ne les juge pas de pire condition que les autres, on trouve juste qu’ils se mettent à leur niveau par l’éclat des titres et l’étendue du pouvoir. L’équilibre de l’ancien empire n’est pas moins complètement bouleversé. L’Autriche, avec la dignité impériale, a perdu les points d’appui qu’elle trouvait autrefois dans les souverainetés ecclésiastiques et dans la foule des petits princes. Tournant son ambition d’un autre côté, elle n’aspire plus à d’autre influence en Allemagne qu’à celle que peut lui procurer son union avec la Prusse. Elle abdique par le fait, au profit de son ancienne rivale, une prépondérance dont elle était jadis si jalouse. Tandis qu’elle se retire et se concentre au sud-est pour surveiller et contenir ses possessions slaves et italiennes, la Prusse, devenue, grace à son énorme part dans les dépouilles de l’église, la grande puissance allemande, s’allonge démesurément vers l’ouest, s’asseoit sur le Rhin et sur la Moselle, et prend, pour ainsi dire, à revers l’Allemagne méridionale. Ses forces, il est vrai, sont disséminées sur une immense étendue ; mais cet inconvénient est compensé par l’avantage d’avoir partout des positions au moyen desquelles aucun point de la confédération ne peut plus se soustraire à son action. Avec son empire s’étend et s’agrandit l’influence protestante, désormais sans contre-poids. Le catholicisme, réduit à deux voix dans le conseil suprême de la confédération[1], échange son ancienne prééminence contre une position subalterne, et les catholiques allemands, malgré leur supériorité numérique[2], ne peuvent plus

  1. L’Autriche et la Bavière ont une voix chacune dans l’assemblée ordinaire de la diète. Trois petits princes catholiques, Hohenzollern-Sigmaringen, Hohenzollern-Hechingen et Liechtenstein, n’ont qu’une voix en commun avec cinq princes protestans. Le roi de Saxe, à la vérité, professe la religion catholique ; mais son royaume est un des centres les plus actifs du protestantisme. Dans l’ancien empire, il faisait partie du corps des évangéliques, et il est notoire que dans la nouvelle diète il ne représente et ne peut représenter que l’intérêt protestant. Les catholiques ont donc deux voix sur dix-sept dans l’assemblée ordinaire, ou onze sur soixante-neuf dans l’assemblée générale.
  2. D’après l’évaluation de Hassel, la confédération compte quinze millions de catholiques et un peu plus de treize millions de protestans ; le catholicisme a donc la majorité dans le peuple, mais il est en très faible minorité parmi les princes, et ce sont les princes seuls qui comptent.