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gination, de goût, de talent, sans rien perdre de son originalité, comme sans nuire à l’inspiration de l’autre ; où il devait y avoir entre eux conflit perpétuel, en même temps que conciliation constante, et, de part et d’autre, le même sacrifice de volonté, la même abnégation d’amour-propre, pour arriver à un résultat qui les satisfît toujours l’un et l’autre ? Pour qui a pu comprendre ce suprême effort, renouvelé chaque jour et continué durant toute une vie, de deux talens distincts, ainsi associés dans une même œuvre, de deux caractères d’artistes qui n’en font qu’un, de deux existences d’hommes qui n’offrent, dans le cours de plus d’un demi-siècle, que le spectacle d’une association sans trouble, d’une émulation sans jalousie et d’une amitié sans nuages, n’y a-t-il pas là le plus bel éloge de M. Percier et de M. Fontaine ? Et puis-je supprimer de la vie de l’un ce qui honore le plus la carrière de tous les deux ?

Le consulat, qui avait trouvé tant de ruines à réparer, et l’empire, qui eut le temps de construire tant de monumens, au milieu de tant de conquêtes à poursuivre, avaient besoin, pour tant de projets, d’architectes dont la pensée fût aussi prompte et la main aussi sûre que le génie qui y présidait. J’ai déjà dit que tous ces travaux furent confiés à M. Percier, en collaboration de M. Fontaine, et cela suffit pour faire comprendre quelle immense tâche fut remplie par ces deux hommes. Les restaurations de Malmaison, de Saint-Cloud, de Compiègne, de Fontainebleau, auraient pu occuper chacune un seul architecte ; mais ces travaux, si importans et si variés, n’étaient rien auprès de la restauration de l’intérieur des Tuileries et de l’achèvement du Louvre, en y joignant l’embellissement de l’Élysée-Bourbon, la rue de Rivoli, la place du Carrousel, et l’arc de triomphe : grandes et belles constructions, où le talent des deux artistes s’est exercé sur tous les types qui vont de l’antiquité à la renaissance, et du siècle de Louis XIV au nôtre. En même temps que M. Percier et M. Fontaine réparaient tant d’anciens monumens et qu’ils en élevaient tant de nouveaux, ils avaient à exécuter de nombreux projets pour des fêtes publiques, pour de grandes solennités, telles que celles du sacre de Napoléon au Champ-de-Mars et à Notre-Dame, et celles du mariage de l’empereur. Plus tard, ils eurent à présenter de plus nombreux projets encore pour ce palais du roi de Rome, qui fut si souvent refait sur le papier, chaque fois avec une magnificence nouvelle, toujours par la main de MM. Percier et Fontaine, et qui finit, après avoir suivi les progrès de la fortune de l’empire et ceux de sa décadence, par n’être qu’un grand rêve dans l’histoire d’une grande époque, sans laisser de