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EXPÉDITION DE GOMEZ.

mais qui tourna cette fois à l’avantage des constitutionnels, eut lieu, pendant cette marche, à Villarobledo. Alaix, dont la colonne était plus faible que celle de Gomez depuis la réunion d’Utiel, ne cherchait qu’à l’observer sans l’attaquer ; de son côté, le chef carliste, voulant, avant tout, arriver avec toutes ses forces en Andalousie, désirait éviter tout engagement. Malgré les dispositions respectives, le hasard fit qu’Alaix se présenta pour entrer à Villarobledo le 19 septembre, pendant que les troupes expéditionnaires traversaient la ville, et il en résulta un combat.

Si Gomez avait usé de tous ses avantages pour lutter contre son adversaire, il l’aurait infailliblement battu, car il avait sur lui la double supériorité du nombre et de la position ; mais, ignorant sans doute la véritable force qu’il avait devant lui, il continua à faire filer son corps d’armée le long de la ville, même après avoir été attaqué, et, voulant réduire l’affaire aux proportions d’un engagement d’arrière-garde, il ne fit donner qu’une partie de ses troupes. Son infanterie fit d’abord plier celle d’Alaix, mais la cavalerie de l’armée constitutionnelle, commandée par le brave colonel de hussards don Diego Leon, maintenant lieutenant-général et comte de Belascoain, culbuta la cavalerie carliste ; le désordre se mit alors dans l’infanterie, qui n’eut pas le temps de se replier sur le corps d’armée, et qui fut entourée et obligée de se rendre. Alaix fit 1,300 prisonniers, et s’empara de presque tous les bagages de l’expédition. La revanche de Jadraque était presque complète.

Cette victoire, pour être plus réelle que celle d’Escaros, ne fut pas plus utile. Si le général Rodil, qui venait de sortir de Madrid avec la garde royale, s’était hâté de rejoindre la colonne victorieuse d’Alaix, et que tous deux se fussent portés résolument en avant à la poursuite de Gomez, il est probable que l’armée expéditionnaire aurait été complètement dispersée à la suite de cet échec. Les généraux espagnols ne sont pas si pressés ; Alaix se reposa de sa victoire à Villarobledo ; Rodil, de son côté, s’arrêta à Huete. Cependant Gomez conduisait ses soldats par les interminables plaines de la Manche, franchissait sans obstacle la Sierra-Morena par ce fameux défilé de Despeña-Perros, qu’il est si facile de rendre imprenable, et pénétrait en Andalousie. Tous les fruits qu’on aurait pu attendre de l’affaire de Villarobledo étaient perdus.

On avait espéré encore une fois à Madrid qu’il ne serait plus question de Gomez après sa défaite : l’irritation fut très vive quand on apprit qu’il fallait, au contraire, compter plus que jamais avec lui.