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Alaix prétendit qu’il avait été arrêté par la nécessité de conduire ses prisonniers à Alicante, et cette raison peut avoir sa valeur ; il annonça en même temps qu’il allait reprendre sa poursuite et la continuer sans relâche. Il se remit en effet en marche ; mais Gomez, qui avait plusieurs jours d’avance sur lui, put traverser à son gré Ubeda, Baesa, Baylen, Andujar, et se présenter le 30 septembre devant Cordoue. Quant à Rodil, il envoyait à Madrid, de son quartier-général de Huete, de très beaux plans de campagne, disant qu’il traçait des parallèles d’un effet sûr, et que Gomez ne pouvait lui échapper. En attendant, il ne bougeait pas, ou s’il s’ébranlait, c’était pour se porter sur divers points de la province de Tolède, plus éloignés encore du théâtre de la guerre.

L’Andalousie est, comme on sait, avec le royaume de Valence, le pays le plus riche et le plus productif de l’Espagne ; c’est de l’Andalousie que le gouvernement de la reine tirait ses plus grandes ressources, et si Gomez avait pu y propager l’insurrection, il aurait rendu le plus éminent service à la cause de don Carlos. La population andalouse, dont le caractère est enthousiaste, mobile et ami du changement, passait pour très attachée aux idées libérales ; l’esprit de l’ancien régime dominait cependant encore sur quelques points, particulièrement dans le royaume de Cordoue. La ville de Cordoue elle-même, quoique des plus grandes et des plus peuplées de la Péninsule, était pleine de cet esprit qui se conserve en général beaucoup plus dans les campagnes que dans les villes. Après avoir été long-temps la capitale du califat arabe de l’Occident, Cordoue était devenue au moyen-âge le siége principal de la croisade chrétienne contre les Maures. Pour avoir pris possession de la riche mosquée transformée en cathédrale, la foi catholique n’avait été que plus vive et plus ardente dans son sein, et partout où les croyances religieuses ont eu un empire exclusif en Espagne, l’opinion absolutiste est la plus forte.

Quand le brigadier Villalobos parut devant une des portes de Cordoue, avec une seule compagnie de chasseurs et un escadron d’avant-garde, une partie des gardes nationaux qui défendait ce point, prit la fuite ; l’autre ouvrit la porte aux cris de vive Charles V ! Villalobos entra dans la ville avec sa troupe ; mais, ignorant la direction des rues, il eut le malheur de passer devant un des bâtimens que les constitutionnels avaient fortifiés, et d’où partit subitement un feu très vif qui jeta le désordre dans ses rangs ; lui-même périt victime de son imprudence. Ce malheur n’empêcha pas la population d’ouvrir