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trieuse. C’est un des principaux intermédiaires du commerce européen avec les peuples de l’Afrique centrale.

Le sultan de Maroc, successeur des suzerains de l’Espagne, l’un des descendans du prophète qui prétendent au titre de khalifes, est le chef d’une des grandes sectes mahométanes. Certes, un tel empire ne peut manquer de jouer un rôle important dans le drame dont la côte septentrionale d’Afrique est le théâtre. Mais de quelle nature sera l’influence inévitable et prochaine de ce grand corps, voisin de notre colonie ? Quelle action exercera-t-il ? Comment la France peut-elle échapper aux dangers de sa proximité et en recueillir les bénéfices ? La solution de ce problème ne serait due qu’à la connaissance approfondie des lieux, des mœurs, du gouvernement et du caractère national de ces peuples ; documens indispensables, qui manquent absolument. « Nul doute (dit M. Lesage dans son Atlas historique) que nous n’ayons, sur la Guinée, le Congo et le cap de Bonne-Espérance des notions bien plus étendues et bien plus exactes que sur cette partie de l’Afrique, qui est à nos portes. »

Les voyageurs qui ont voulu explorer l’Afrique centrale n’ont jamais pris cette route. Récemment, l’Anglais Davidson a voulu y pénétrer par le Maroc, et l’issue de sa tentative a été funeste. Les religieux établis autrefois à Fez, à Méquenez et sur d’autres points pour le rachat des captifs, se sont retirés depuis que la piraterie barbaresque a cessé. Les sujets marocains vont aujourd’hui faire leur commerce hors du pays, et les étrangers, que rien n’attire vers ce point du littoral, y deviennent de plus en plus rares. Nous ne parlons pas de cette race fanfaronne, les touristes anglais, qu’une mode nouvelle pousse sur les côtes de Barbarie, et qui s’avancent jusqu’à Tanger, tout au plus jusqu’à Tétouan, les deux villes les moins importantes de l’empire. « Tanger (disait un jour devant nous le ministre actuel, Sidi Bendriz), c’est la ville des chrétiens. » Ces deux villes, placées à l’extrémité de l’empire, peuplées de Maures, de juifs et de chrétiens, ou plutôt d’un mélange effacé de toutes ces races, dominées par l’influence consulaire et par le commerce de Gibraltar, forment la transition de l’Afrique à l’Europe : ce n’est plus le Maroc, ce n’est pas encore l’Espagne.

L’ambassadeur ou le commerçant, qui obtient aujourd’hui une audience du sultan, ne pénètre dans Fez, Méquenez ou Maroc, qu’environné d’une escorte et entouré de précautions jalouses ; sa route est tracée ; on a tout disposé pour lui faire prendre le change sur la situation réelle du pays. Confiné dans une maison sans fenêtres