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LE MAROC ET LA QUESTION D’ALGER.

gation de remboursement continu, ne mettant aucun obstacle aux nouvelles spéculations, a permis aux négocians d’augmenter la dette qu’ils semblaient amortir ; remède pire que le mal. L’idée de la banqueroute produit peu d’impression sur eux, et il n’en est peut-être pas dix dans tout le royaume, qui ne soient en état de banqueroute permanente. La loi ne condamne pas le banqueroutier à mort. Aussi son calme est-il imperturbable dans tous les embarras qu’il se crée ; il vend à perte, il achète à tout prix, il compense une mauvaise opération par une pire, et, en définitive, c’est le sultan que l’on dupe. Sur l’immense revenu nominal de ses douanes, la majeure partie consiste en créances qui ne peuvent pas être, qui ne seront jamais liquidées.

Cet état de choses devait amener des conséquences funestes au commerce européen. Le sultan, voyant tant d’empressement à exporter ses laines, et apprenant quels bénéfices on réalisait en Europe, voulut s’en réserver une partie ; il exhaussa successivement pour toutes les marchandises demandées le tarif des douanes. Les négocians du pays exhaussèrent de leur côté les prix sur tous les marchés. Le commerce européen se retira.

Le sultan crut avoir trouvé un palliatif à ce danger ; il imagina de maintenir et d’étendre à toutes les échelles, en faveur des étrangers d’abord, puis en faveur de tout négociant qui paierait comptant, la différence de droits établie pour ruiner la compagnie africaine de Danemark. La différence des deux tarifs est de 12 et demi pour 100 dans certains ports, et de 25 pour 100 dans les autres, ce qui revient pourtant au même, à cause de la différence proportionnelle en raison inverse, qui existe sur le droit nominal dans les diverses localités. Mais le palliatif inventé par le sultan ne pouvait avoir d’effet que si les trafiquans du pays étaient limités dans leurs opérations et dans leur crédit. Dans ce cas même, l’effet de la mesure devait jeter le commerce tout entier aux mains des Européens et des sujets marocains possédant de grands capitaux ; exclusion trop violente, et devant les conséquences de laquelle le sultan a reculé. La banqueroute de tous les petits commerçans sera déclarée le jour où le sultan réclamera l’acquittement des créances de la douane ; comme il la craint plus que personne, il préfère voir disparaître peu à peu tous les établissemens européens du Maroc.

L’exportation de la laine a beaucoup diminué dans les dernières années, par l’augmentation excessive des droits de sortie, et par l’accroissement de la consommation intérieure. Le terme moyen de