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ŒUVRES COMPLÈTES DE PLATON.

orgueil. Du moins Platon a-t-il été aussi loin que peut aller la raison humaine ; et Lactance ni personne ne saurait le nier, en présence du Timée et du dixième livre de la République.

L’œuvre de Platon, dans son unité, est double. Après qu’il est remonté du monde à Dieu, il descend de Dieu à l’homme. C’est du monde des idées qu’il rapporte sa morale et sa politique. Il n’y a de vrai et de beau que l’unité absolue, qui est Dieu ; au-dessous de Dieu, si quelque chose a de la beauté et de la vérité, c’est que Dieu lui a donné la proportion et l’harmonie, image de l’unité dans le multiple. Dieu est un, d’une unité absolue ; le monde est un, parce qu’il conspire à un but unique et obéit à des lois analogues, ou plutôt à une seule loi, qui ne paraît différer que quand, pour sauver l’harmonie elle-même, elle se proportionne à la nature et aux conditions de son objet. Tout ce qui sort de l’ordre et de l’unité est inutile au monde et tombe dans le néant ; tout ce qui concourt à l’ordre se rattache à l’être et à la vérité. Voilà toute la morale, avec son double précepte ; au dedans, gouverner avec une exacte harmonie les différentes puissances de notre être ; au dehors, prendre la place précise qui nous convient et faire librement, par la permission de Dieu, ce que sa puissance impose aux êtres dont les actions ne sont pas libres. C’est là tout le secret de la République de Platon : ramener la société humaine à l’unité la plus complète. Ce n’est pas, comme on l’a cru, une vaine et puérile hypothèse, un jeu brillant de l’imagination ; quoique Platon déclare lui-même que sa République est impossible, elle a pourtant un but philosophique, en harmonie avec le reste de son œuvre ; il y pose et y développe son principe dans toute sa rigueur, afin de l’entourer d’une lumière parfaite, et quand plus tard il veut descendre à la pratique, quand il compose les Lois, malgré les différences de ces deux ouvrages, il ne fait autre chose qu’appliquer au monde réel le même principe, et il l’applique rigoureusement, à la lettre ; c’est le même esprit, l’esprit de la théorie des idées, l’unité, l’harmonie ; le système de Platon est comme son univers ; il n’y a pas deux principes, mais un seul, ni deux lois, mais une seule et unique loi. Seulement ce ne sont plus ici ces hommes de la République, sortis de terre tout formés, comme ceux de Cadmus ; ce sont des hommes choisis, mais des hommes avec les passions et les faiblesses des hommes. Il faudra donc faire plier la loi ; mais, suivant la règle uniforme, elle pliera précisément assez pour devenir possible et applicable. Voilà comment le système de Platon se rattache intimement dans toutes ses parties. C’est un tout. On ne peut étudier Platon à