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REVUE. — CHRONIQUE.

la belle philosophie de Platon, qu’il exposait l’année dernière, a choisi un sujet d’un abord moins difficile, mais d’une importance au moins égale, l’histoire de l’école d’Alexandrie. Héritière de toutes les philosophies qu’elle aspire à concilier, cette école, dernier monument de la fécondité de l’ancien monde, tient aussi par des liens étroits à la formation du monde nouveau. Elle naît avec le christianisme, se développe à côté de lui, entre en lutte avec ce redoutable adversaire, soutient le combat durant quatre siècles, et ne succombe qu’avec la philosophie elle-même, avec les lettres, avec les dieux. Il n’y a pas de livres moins connus que les livres de Plotin, et pourtant Plotin est le père de la philosophie alexandrine. Il semble qu’après avoir pénétré dans le système de Platon, dans celui d’Aristote, les historiens, les critiques, tous les amis de l’antiquité, séduits par la majesté, la grandeur, la savante et belle proportion de ces incomparables philosophies, ne veuillent plus en connaître, ni en admirer aucune autre. Et puis, il faut bien l’avouer, si les alexandrins sont restés dans l’ombre, ce n’est pas entièrement la faute de ceux qui les y ont laissés. Les alexandrins ont assurément une rare fécondité de génie ; mais cette fécondité s’épuise souvent en chimériques et subtiles distinctions. Ce sont des esprits étendus, mais qui veulent embrasser des choses contradictoires, des esprits sérieux, mais sujets à s’égarer dans les élans et les vertiges de l’enthousiasme ; ils ont enfin une prodigieuse érudition qui les accable, et sous cette science universelle leur génie s’obscurcit et finit par être étouffé.

Certes le sujet est difficile, mais aussi il vaut bien la peine qu’on s’y dévoue. Il ne s’agit de rien moins que d’exhumer une période de cinq siècles et d’éclairer à la fois d’une vive lumière le berceau du christianisme et le déclin des philosophies et des religions de l’antiquité. Pour montrer dès le premier jour l’intérêt grave et profond qui s’attache au sujet qu’il veut traiter, M. Jules Simon a fait voir l’école d’Alexandrie aux prises avec le christianisme ; il a expliqué la nécessité de cette lutte, marqué son origine, son progrès, son terme. Le christianisme, l’esprit nouveau, devait triompher. Là étaient la vie, la jeunesse, la foi, la force, l’avenir. En vain l’école d’Alexandrie s’entourait de toutes les traditions, de toutes les gloires du passé ; en vain elle appelait dans le sein de son vaste éclectisme Orphée et Pythagore, Hésiode et Thalès, Aristote et Platon, les dieux de la Grèce et ceux de l’Orient. Cette ardeur aveugle à tout confondre n’était que l’impuissance de tout unir.

Mais j’oublie que M. Simon a parlé ici même, dans cette Revue, de l’école d’Alexandrie et que ce qu’il a dit à propos d’un livre assez médiocre me dispense d’insister. Personne ne conteste à M. Simon l’éclat de la parole. Sous ce rapport, il est vraiment doué, et la pratique, l’expérience, ne peuvent qu’étendre, en le modérant, ce talent qui a si bien réussi à la Sorbonne.

J’ai été bien long déjà, et pourtant je n’ai pas dit un mot de l’histoire et j’ai omis bien des noms, mais l’occasion se retrouvera. M. Lenormant dans la chaire de M. Guizot, M. Rosseeuw-Saint-Hilaire dans la chaire de M. Lacretelle, traitent l’un de l’histoire de France, l’autre de la civilisation grecque. Les recherches savantes de M. Guigniaut sur la géographie, les consciencieuses