Page:Revue des Deux Mondes - 1841 - tome 26.djvu/171

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
167
POLITIQUE EXTÉRIEURE.

Premier sujet du trône, Espartero eût été le bienfaiteur de l’Espagne ; usurpateur, il n’est qu’un fléau. Ce qu’il y a de passif dans son caractère eût été utile au second rang, et ne peut être que funeste au premier. Il faut en prendre son parti.

Espérons d’ailleurs que, quand même les saturnales progressistes dureraient encore long-temps, il ne sera pas impossible de réunir plus tard quelques élémens d’ordre en Espagne. Un fait s’accomplit en ce moment qui permet de concevoir quelque pensée d’avenir, c’est l’union définitive du parti fueriste des provinces basques avec le parti modéré. Dans tout le reste de la Péninsule, les modérés ont refusé de prendre part aux élections. Les seuls candidats de cette couleur qui aient été élus l’ont été par les provinces basques, et ils y ont réuni l’unanimité des voix. Les griefs de ces provinces contre le gouvernement actuel ne sont pas moindres que ceux des modérés. Après leur avoir garanti solennellement leur liberté par le traité de Bergara, Espartero la laisse détruire impunément. Les juntes de Biscaye vont bientôt se réunir sous l’arbre de Guernica pour protester contre cette violation de la foi jurée. Les chefs du parti fueriste et ceux du parti modéré sont en rapport constant et s’entendent parfaitement pour la direction à donner à la résistance. Il en est à peu près de même de toute la portion éclairée de l’ancien parti carliste. Plus le désordre actuel se prolongera, et plus il y aura de chances pour qu’il se forme enfin un grand parti de gouvernement.

Il y a plus. Toute la fantasmagorie révolutionnaire de ces dernières années n’a pas sensiblement altéré le fonds des mœurs, qui sont restées monarchiques et catholiques. L’agitation n’est qu’à la surface. On jugera de cette permanence des mœurs au milieu des fluctuations politiques par l’exemple suivant. M. Ferrer, l’ancien président de la junte de Madrid, maintenant vice-président du conseil des ministres, est un des coryphées les plus avancés du prétendu parti démocratique. Dès qu’il a su qu’Espartero prétendait à être régent unique, il a pensé, avec juste raison qu’il ne resterait pas long-temps ministre si Espartero l’emportait. Qu’a-t-il fait alors ? Il s’est donné à lui-même comme dédommagement un titre de Castille. Il est maintenant marquis de Casa-Ferrer, vicomte de Douro, ou quelque chose de pareil. Avec de tels démagogues, il y a toujours de la ressource pour les idées monarchiques.


****