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ces belles institutions administratives et scientifiques, honneur et force de notre pays.

M. de Salvandy s’est donné de grandes facilités pour réfuter ce passage. M. Hugo avait parlé de la convention ; M. de Salvandy lui a répondu comme s’il n’avait parlé que de 1793. M. Hugo avait montré l’ombre que fait la main de Dieu sur les sociétés condamnées à périr. Cette explication, plutôt biblique que philosophique, M. de Salvandy l’a repoussée, comme si Bossuet ne s’en était jamais servie. M. Hugo avait prononcé le mot providence : M. de Salvandy l’a traduit par le mot fatalité. Enfin, prenant lui-même l’offensive, M. de Salvandy a adressé à la convention un reproche inoui jusqu’à ce jour. Il l’a accusée d’avoir manqué à sa grande tâche si glorieusement remplie, au salut du territoire ! Ombre de Merlin de Thionville, où étiez-vous ? Il a représenté comme un abandon de la défense, le mouvement de concentration qui a dû suivre le premier choc de l’invasion universelle ; il a parlé des représailles, mais il a tu leurs dates ; il n’a montré Fleurus que dans le lointain ; il n’a pas dit que cette victoire, à laquelle se lie la mémoire des savans français, des fondateurs et des premiers élèves de l’École Polytechnique, il n’a pas dit que cette victoire avait sauvé la France avant la chute de Robespierre. Il n’a pas dit que la Flandre et la Hollande étaient reconquises ; que Jourdan, avec l’armée de Sambre-et-Meuse, était maître de Liége et de Namur ; que Pichegru, avec l’armée du Nord, occupait Anvers avant la délivrance des 9 et 10 thermidor. Il mentionne, il est vrai, Carnot, l’homme en qui s’est personnifié le génie militaire de la convention ; mais c’est pour le montrer imposant à la France, en quatorze mois, des levées de quatorze cent mille hommes. Et où de pareils chiffres ont-ils été trouvés ? Carnot organisa quatorze armées ; mais aucune de ces armées n’avait cent mille combattans. L’armée du Nord n’en avait que soixante-et-dix mille. On s’étonne que des assertions si légères sur des faits si graves aient pu sortir de la plume d’un homme qui a mis la main aux affaires de son pays.

Et cependant, malgré ces critiques, je dois me hâter de dire que tout le discours de M. de Salvandy est conçu et écrit avec cette unité de sentimens et de vues un peu partiales, il est vrai, qui appartiennent à un homme politique. Il est impossible de mieux saisir qu’il ne l’a fait, la liaison intime de certaines sympathies littéraires et de certaines antipathies politiques. Il a bien été l’homme d’une opinion. Aussi a-t-il reçu constamment d’une partie notable de l’au-