Page:Revue des Deux Mondes - 1841 - tome 26.djvu/889

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
885
LA HOLLANDE.

lyriques d’un ton très ferme, entre autres un sur le pavillon de Hollande, qui est fort aimé de ses compatriotes.

Et maintenant, hélas ! il faut le dire : cette poésie dont je tâche d’énumérer avec la plus rigoureuse impartialité les titres, dont j’essaye d’établir, comme un généalogiste, les preuves de noblesse, cette poésie n’entrera qu’une des dernières dans le grand chapitre des muses. Les critiques de Hollande ont beau lui mettre la couronne sur la tête, et lui élever avec une naïve piété des arcs de triomphe dans leurs journaux, l’honnête fille ne croit pas elle-même à sa souveraineté, et n’ose passer la frontière de peur de se voir contester son sceptre, son manteau, et traitée comme une vassale présomptueuse de la France et de l’Allemagne. Mais de même que le voyageur, après avoir traversé de larges et riches contrées, se réjouit, lorsqu’il arrive sur une terre moins féconde, de trouver encore une gerbe d’épis, un bouquet de fleurs, de même, quand des hautes régions où nous emporte le génie des grands poètes anciens et modernes, nous redescendons dans les cités de Hollande, nous nous plaisons à découvrir çà et là, au milieu des entrepôts du commerce et des machines de l’industrie, une fleur de poésie, dût cette fleur ne pas avoir le même parfum ni le même éclat que celles de France ou d’Angleterre.

Ajoutons à ceci que la littérature hollandaise, à travers les différentes phases par lesquelles elle a passé, au milieu même de son penchant à l’imitation, a toujours conservé une physionomie distincte et des qualités sérieuses qu’on ne retrouve pas ailleurs si durables et si continues, l’élégance dans le style et la moralité dans la pensée. Là les œuvres de l’imagination sont dominées par la raison. La littérature se traite un peu comme les affaires, avec calme et prudence. C’est une distraction agréable pour quelques-uns, un besoin plus impérieux pour quelques autres, mais un besoin auquel on ne sacrifie qu’une partie de son temps et de ses rêves. Là, tous ceux qui écrivent ont une fortune indépendante ou une tâche régulière à remplir qui pourvoit aux besoins matériels de leur existence. L’étude des lettres est un titre honorifique, quelquefois un moyen d’avancement dans une carrière, jamais une profession. Vondel, comme nous l’avons dit, était bonnetier, Hooft était gouverneur de Muyden. De nos jours, les poètes, les romanciers hollandais, cherchent également à se faire une position administrative, commerciale, pour pouvoir suivre avec plus de sécurité leur penchant littéraire. M. Van Lennep est procureur fiscal à Amsterdam, M. s’Gra-