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impopulaire en Portugal comme l’abaissement des tarifs et la liberté du commerce.

Malgré les dépenses excessives causées par la guerre civile et la ruine générale, la réalisation des emprunts contractés à Londres couvrit d’abord facilement le déficit du trésor. L’abondance d’argent fut même telle, qu’on employa follement le numéraire à détruire un papier monnaie en circulation depuis Jean V. Cette prospérité factice n’eût d’autre conséquence que de fermer les yeux sur les dangers de l’avenir. Au commencement de 1835, le ministre des finances fut contraint d’accuser un énorme déficit. Le gouvernement était dans l’impossibilité d’emprunter de nouveau, et plus encore d’augmenter les impôts. M. Carvalho, toujours confiant, s’en remit, pour l’avenir, au développement de la prospérité nationale, et proposa des accroissemens de dépenses. Il y avait long-temps que celles-ci dépassaient de beaucoup le produit des recettes, et si le régime constitutionnel avait supprimé quelques abus onéreux, on venait de surcharger le budget central de dépenses que les provinces payaient antérieurement. La centralisation financière et la suppression de toute affectation spéciale peuvent être un utile progrès ; mais pour cela il faut que ces mesures soient accompagnées de la régularité de la perception, et précédées de l’exécution des lois. Beaucoup de prétendues améliorations eurent ce double résultat, d’accabler les finances de l’état, dont les rentrées ne s’opèrent pas facilement, et de faire négliger des établissemens qui sont le premier besoin de tout pays civilisé. La ressource des biens nationaux dissipés autant que vendus étant promptement épuisée, il fallut avoir recours aux expédiens, et se lancer dans la voie déplorable des anticipations. Le traitement des fonctionnaires et la solde des officiers ne furent plus régulièrement payés ; le nombre des mécontens s’accrut en proportion de l’impossibilité où l’on était de les satisfaire, et les sociétés secrètes s’emparèrent entièrement de l’armée et de la garde nationale de Lisbonne. Peut-être le gouvernement avait-il encore assez de force pour les contenir ; le respect pour l’autorité de la reine et le souvenir d’efforts et de triomphes communs conservaient de la puissance ; malheureusement les divisions intérieures des ministres amenèrent plusieurs d’entre eux à s’associer aux clubs, et à chercher dans le parti anarchique un point d’appui passager contre leurs collègues, car, bien que les attaques parussent toujours dirigées contre M. de Palmella, et surtout contre M. Carvalho, il y eut dans l’espace d’une année huit changemens de cabinet. Les motifs de ces mutations furent tous personnels ; ils se rattachaient à des intrigues de cour qui se croisèrent et se confondirent souvent avec celles des clubs. Les désirs des partis s’irritèrent par ces reviremens continuels auxquels ils servirent plus d’une fois d’instrumens. Sans cesse au moment de saisir le pouvoir et toujours cruellement désappointés, leur impatience et leur haine s’en accrurent, et ces rapides rotations de ministères qui se succédèrent sous l’impulsion d’imprudentes cabales énervèrent l’autorité, détruisirent tout prestige, et rendirent plus choquant l’esprit d’exclusion des gouvernans. Sur ces entrefaites éclata la révolte de la Granja, qui servit de signal à un mouvement analogue en Portugal.