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vent à montrer l’importance du décret du 2 avril. Si la suite de l’affaire est aussi bien menée que le commencement, la Suisse sera parvenue à se tirer du plus mauvais pas qu’elle ait traversé depuis long-temps. Tous les points de son territoire présentent les élémens d’une guerre religieuse. Rien ne peut écarter ce fléau qu’une juste satisfaction donnée à toutes les communions.

Le gouvernement d’Argovie ne s’est pas encore soumis au décret diétal du 2 avril. Il a au contraire, par une résolution en date du 13 mai, invité les cantons à ne pas donner suite à leur décret. Il est vrai que cette invitation est accompagnée de deux manifestations conciliantes : par l’une, le grand conseil déclare que, si les cantons persistent dans leur décision, il se montrera disposé à faire, autant que possible, à ses confédérés le sacrifice de sa conviction, désirant prouver qu’il n’a jamais eu l’intention de violer le pacte ; par l’autre, il annonce qu’il va suspendre provisoirement toute mesure de liquidation ultérieure, déclarant d’ailleurs qu’il a toujours eu l’intention de ne consacrer le produit des biens des couvens qu’à des œuvres pieuses ayant pour but l’avantage commun de la chrétienté. La résolution du 13 mai a été regardée par les catholiques comme un refus d’obtempérer au décret du 2 avril. De leur côté, les radicaux l’ont blâmée comme étant un commencement de concession. Il faut espérer que ce sera dans ce dernier sens qu’elle finira par être interprétée.

En ce moment, la question s’examine de nouveau. La session ordinaire de la diète a commencé, il y a quelques jours. Le plus grand nombre des instructions données aux députés est favorable au décret du 2 avril. Il est à croire que la majorité qui a voté ce décret sera augmentée. Argovie ne pourra probablement alors se refuser plus long-temps à reconnaître l’autorité fédérale. On parle déjà de mesures qui seraient prises pour assurer les catholiques d’Argovie contre l’oppression. Nous ne pouvons que nous féliciter de voir de pareilles dispositions se répandre dans le parti libéral suisse. Ce qui peut arriver de plus heureux à ce pays, frère du nôtre, c’est qu’il s’y forme un grand parti libéral et conservateur à la fois, également éloigné des habitudes oligarchiques de l’ancien régime et des idées révolutionnaires du radicalisme, dévoué à la liberté sous toutes les formes, tant religieuses que politiques, et fondant sur le respect des droits et des consciences, sur la défense de chacun et sur les concessions réciproques de tous, l’édifice durable et régulier d’une forte organisation politique.


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