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par les whigs. En supposant qu’il convînt aux hommes éclairés du parti conservateur, le duc de Wellington, sir Robert Peel, lord Stanley, lord Lyndhurst même, de ne point s’arrêter à cette considération et de protester hautement pour l’alliance française contre l’alliance russe, il est douteux que le corps d’armée tout entier eût voulu suivre ses généraux. Il y avait donc dans cette manœuvre un double danger, celui d’une défaite et celui d’une scission. Je sais d’ailleurs que sir Robert Peel et lord Stanley craignaient, en faisant ressortir les torts de lord Palmerston, d’encourager en France l’opinion belliqueuse, d’ôter un argument aux partisans de la paix, et d’affaiblir ainsi le ministère nouveau. Tout se borna donc de la part du duc de Wellington et de sir Robert Peel, à de vagues politesses pour la France et à quelques phrases d’une réserve assez menaçante pour le ministre. D’un autre côté, on ne tarda pas à s’apercevoir que la campagne orientale de lord Palmerston n’avait pas déplacé une seule voix. Depuis bien des années, la conduite des affaires étrangères en Angleterre est le domaine presque exclusif de l’aristocratie. Que les intérêts commerçans du pays soient menacés ou l’honneur national compromis, alors la nation s’en émeut, mais dans ces deux cas seulement. Or, du moment où, grace à l’admirable bénignité de la France, la question d’Orient se terminait sans crise et pacifiquement, cette question disparaissait de la scène politique en laissant les esprits précisément dans la même situation où elle les avait trouvés. Dans l’intervalle des sessions, la nomination de lord Lyndhurst comme high stewart de l’université de Cambridge, à la majorité de 903 voix contre 427, et l’élection de Carlow, où le candidat conservateur, le colonel Bruen, l’emporta facilement sur le candidat réformiste, avaient déjà prouvé que les tories étaient loin de perdre du terrain. Les élections de Cantorbéry, Walsall, Monmouthshire et East Surrey, qui, en peu de jours, remplacèrent quatre whigs par quatre tories, en donnèrent une preuve plus éclatante encore. Les whigs, à la vérité, gagnèrent Saint-Alban, ce qui réduisit à 5 voix, en comptant Carlow, le bénéfice net des tories. Mais 5 voix avaient numériquement une grande importance dans une chambre où, de 25 à 30, la majorité était graduellement descendue à 8 ou 10. Elles en avaient moralement une plus grande encore, en montrant que le mouvement de réaction tory continuait, et que les palmes syriennes de lord Palmerston restaient à peu près comme non avenues dans le pays.

Tel étant l’état des esprits, le bill de lord Stanley devait naturel-