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griefs sur lesquels, depuis quelques années, M. O’Connell insiste le plus souvent.

Voilà quel était l’état de la législation quand, s’emparant habilement de ses vices et signalant ses abus, lord Stanley proposa un bill qui, d’une part, rendait beaucoup plus difficile et plus compliquée l’inscription sur les listes électorales, et, de l’autre, prenait la taxe des pauvres, récemment établie, pour base du revenu réel. À ce bill il y avait en apparence peu d’objections à faire. « Je maintiens le droit électoral, disait lord Stanley, tel que le bill de réforme l’a établi. Seulement je substitue un criterium certain à un criterium incertain, un revenu réel à un revenu fictif, des garanties sérieuses à des garanties ridicules. Je supprime le parjure et la fraude ; voilà tout. » Et cependant le bill de lord Stanley n’allait à rien moins qu’à réduire peut-être de moitié le nombre déjà si petit des électeurs irlandais. C’était ajouter à la distance que déjà la législation a mise entre les droits politiques en Angleterre et les droits politiques en Irlande. C’était élargir l’abîme qui sépare les deux pays. Il ne faut donc pas s’étonner que, malgré les raisons spécieuses sur lesquelles s’appuyait lord Stanley, M. O’Connell et le ministère repoussassent avec véhémence, avec obstination, une mesure qui démentait à ce point toute leur politique, et qui menaçait de produire de si déplorables résultats.

Néanmoins, du moment où lord Stanley, quatre fois vainqueur en 1840, insistait en 1841, il était clair que le cabinet, s’il se bornait à combattre le bill essuierait une dernière défaite. Voici donc comment il s’y prit pour détourner le coup. Reconnaissant les abus signalés par lord Stanley, il adopta presque toute la partie technique et réglementaire de son bill : il consentit aussi à ce que la taxe des pauvres servît de base au cens électoral ; mais, avec une hardiesse remarquable, il proposa à la fois d’abaisser le cens et d’en changer le principe. D’après son bill, quiconque occupait depuis quatorze ans, à quelque titre que ce soit un morceau de terre évalué à un revenu imposable de 5 liv. st., devait être électeur. Il n’est pas besoin de dire qu’une telle réforme fut accueillie avec de vives acclamations par M. O’Connell et par les radicaux, avec une inexprimable colère par le parti conservateur tout entier. Aussitôt après le discours de lord John Russel, lord Stanley se leva, et annonça qu’il combattrait à outrance le bill révolutionnaire du cabinet. « En faisant reposer le droit électoral sur la population, non sur la propriété, ce bill, dit-il, bouleverse toute la législation anglaise, et introduit une nouvelle constitution. » En revanche, le fils aîné de lord Grey, lord Howick, qui,