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a de tout temps dominé l’Occident, à son tour dominé par l’Occident dès qu’il perd cette force secrète.

L’Orient, de nos jours, n’a plus même ce qu’il avait du temps des Grecs, et ce qui a fait que, vaincu par Alexandre, il a bientôt conquis ses conquérans, je veux dire la puissance du luxe et l’ascendant de la civilisation matérielle. L’Orient aujourd’hui est pauvre ; son luxe n’est plus qu’un souvenir et un conte ; le luxe est en Occident comme la richesse. Que peut donc faire l’Orient, qui n’a plus ni or ni fanatisme, qui ne peut plus ni corrompre, ni contraindre, ni enthousiasmer, qui, par conséquent, ne fait plus de renégats, à moins que je ne compte parmi les renégats ces philosophes et ces publicistes impartiaux qui trouvent que l’islamisme a beaucoup de bon, et qui se feraient volontiers mahométans, les uns à force d’éclectisme, les autres comme moyen d’administration en Orient ? Mais ces gens-là ne soutiennent guère les religions qu’ils embrassent. Que peut donc faire l’Orient, sinon mourir ? Et c’est ce qu’il fait, surtout cet Orient intermédiaire, composé de la Turquie, de l’Égypte et des états Barbaresques, qui ne pouvait se soutenir contre l’Europe qu’à l’aide de l’Europe et en lui empruntant beaucoup, mais qui ne pouvait lui emprunter beaucoup qu’à la condition d’avoir aussi beaucoup par lui-même.

L’analyse que M. Baude fait de la population algérienne sous les Turcs, montre comment l’Afrique septentrionale a toujours penché vers l’Europe et s’est appuyée sur elle dans les siècles mêmes où elle était ennemie de l’Europe. Les détails que le même auteur donne sur la population d’Alger, telle qu’elle se fait aujourd’hui sous notre conquête, montrent dans quelle proportion les diverses nations de l’Europe prennent part à notre établissement. L’Espagne et l’Italie sont les deux pays qui paraissent en profiter le plus ; ils paraissent même en profiter plus que nous. Voici, à ce sujet, quelques chiffres curieux que j’extrais du livre de M. Baude.

À Bone et à la Calle, la pêche du corail, de 1817 à 1826, se faisait, année commune, par vingt-un bateaux français contre cent cinquante-trois italiens, quoique les bateaux italiens payassent un droit de pêche de 1156 francs, dont nous étions dispensés en vertu de nos traités. Loin d’avoir changé à notre avantage depuis notre conquête, cette proportion s’est affaiblie encore ; car, de 1832 à 1838, il n’y a eu que six bateaux français contre cent soixante-cinq italiens et enfin, en 1839, il n’y a plus eu de bateaux français. Il ne faut donc