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LES GAULOIS EN ASIE.

par les tables géographiques sont-elles assez d’accord avec cette position.

Manlius, au lieu de prendre sa route vers le nord, appuya encore au sud-est, entra dans les montagnes, et alla attaquer les châteaux de Themisonium et de Cibyra, dont les gouverneurs connaissaient à peine les Romains. Toutes les villes dont le territoire dépend aujourd’hui du pachalik d’Adalia furent mises à contribution. Manlius rentra ensuite en Phrygie, et son itinéraire nous aide à retrouver plusieurs villes dont la position était ou incertaine ou ignorée. Mais la plus curieuse et la plus importante de ces villes, qui fut cherchée pendant long-temps par tous les voyageurs qui ont parcouru l’Asie mineure, c’est sans contredit l’antique Synnada, célèbre par ses carrières de marbre qui était si estimé par les anciens, qu’on en faisait un grand usage à Rome même. Cette ville était située à six lieues au nord-est de la ville moderne de Kara-Hissar. Les carrières sont à trois milles des ruines de l’ancienne ville. La roche est d’un blanc d’albâtre veiné de lignes violettes et pourpres. Les anciens lui donnaient le nom de marbre de Synnada ; le lieu où les carrières sont situées s’appelait Docimia. Sur l’emplacement du bourg de Docimia, à deux milles au nord des carrières, s’élève le village nommé Seid-el-Ar. L’exploitation a été si considérable, que plusieurs collines des environs ne sont composées que de recoupes ; les blocs étaient pris à ciel ouvert dans une roche formant une masse compacte et homogène de plus de trente mètres de hauteur.

Après avoir quitté Synnada, l’armée de Manlius, marchant toujours au nord, s’empara de la ville de Pessinunte ; c’était une des principales places des Tolistoboiens, célèbre dans toute l’Asie par le culte de la mère des dieux, dont la statue était tombée du ciel. Cette figure de la déesse était une pierre informe, et, si la tradition n’est pas fabuleuse, tout porte à croire que cet emblème n’était autre chose qu’un aérolithe. La ville de Pessinunte emprunta son nom du mot grec qui signifie tomber. La piété des princes asiatiques avait embelli cette ville de monumens superbes, et la renommée de la déesse avait été portée jusqu’en Italie. Malheureusement, lorsque toute cette contrée eut embrassé le christianisme, la destruction des temples et des autels des anciens dieux entraîna celle de Pessinunte, dont la décadence fut si complète, qu’on en vint jusqu’à ignorer en quel lieu elle était située.

L’obscurité qui couvrait la situation de cette ville était due à une circonstance dont les géographes ne s’étaient pas rendu compte. Les