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REVUE. — CHRONIQUE.

l’attention publique. Les uns contestent l’existence même du projet, les autres en discutent avec plus ou moins de véhémence l’utilité, la convenance, voire même le droit ; car il ne manque pas à l’étranger d’hommes qui voudraient démontrer à la Belgique qu’elle n’a pas le droit de contracter avec la France une liaison aussi étroite et aussi intime. Cette dernière opinion ne supporte pas l’examen. Elle met en doute l’indépendance de la Belgique. La Prusse taxerait de calomnie quiconque affirmerait que par l’union allemande elle s’était proposé d’anéantir l’indépendance politique de la Bavière et du royaume de Wurtemberg. Pourquoi la Belgique ne pourrait-elle pas s’associer pour ses douanes à la France sans cesser d’être un pays autonome, un état indépendant ?

Les autres questions peuvent être débattues sérieusement, et du point de vue belge et du point de vue français ; la solution en est difficile.

Peu nous importe au fond de savoir à qui appartient la première pensée de ce projet. Cette pensée est née avec l’union allemande. Dès que ce grand résultat de la politique prussienne fut connu, plusieurs personnes furent tout naturellement amenées à penser que la France devait chercher à opposer à l’association d’outre Rhin une association parallèle, formée essentiellement de la France, de la Suisse et de la Belgique. Ce grand projet est-il jamais entré dans les vues positives des gouvernemens ? A-t-il été fait des tentatives pour le réaliser ? Nous l’ignorons, mais nous inclinons à penser que rien de sérieux n’a été tenté jusqu’ici.

Ce qui importe est de savoir si tout récemment il a été fait des ouvertures pour une association commerciale entre la Belgique et la France. La proposition a été faite ; elle n’est pas née en France, elle nous est venue de Belgique.

Était-elle sérieuse ? Nous nous sommes permis d’en douter ; nous en doutons encore.

Certes, nul n’est plus convaincu que nous du droit de la Belgique. Elle a le droit de s’associer à la France. En aurait-elle le courage ? Son gouvernement oserait-il braver l’humeur de l’Angleterre et les reproches de l’Allemagne ? Disons-le : on a mis la Belgique dans une fausse position. Elle a été sacrifiée aux vues chimériques de la diplomatie. En 1814, on imagina l’accouplement le plus monstrueux : des hommes qui se vantaient d’appartenir à l’école historique exécutèrent un projet devant lequel aurait reculé l’audace d’un philosophe. Encore n’eurent-ils pas le mérite de l’invention. En réunissant Gênes au Piémont, et la Belgique à la Hollande, ils réalisaient une rêverie de l’abbé de Pradt, ainsi qu’on peut le voir dans le plus ancien et le moins connu de ses écrits, le Congrès de Rastadt.

La révolution de 1830 brisa des liens qui en réalité étaient aussi lourds pour la Hollande que pour la Belgique. Enfin, après les fameux protocoles, on proclama quelque chose d’aussi étrange que l’avait été l’union de la Belgique à la Hollande, on apprit à l’Europe que la Belgique était un état neutre. Un état neutre ! Comme si la neutralité pouvait être quelque chose de réel et de sérieux