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à six hectares, au centre desquelles s’élèvera (les villes devant sans doute disparaître comme inutiles) une jolie petite maison en briques destinée à chaque famille, à peu près dans le système des cabanes de la vallée suisse au Jardin-des-Plantes. Là chacun trouvera les plaisirs et l’abondance pour prix du service qu’il devra prêter à la société. Dix heures de travail par jour, de seize à cinquante ans, obtenues des trente-trois millions de Français suffisant amplement pour obtenir des résultats fort supérieurs à la masse de la production actuelle, les travailleurs seront libérés de toute obligation sociale passé cet âge. Les condamnations pour crimes et délits augmenteront seules le temps de la tâche individuelle. Pour les états repoussans, le travail finira cinq ans plus tôt, et pour les états dangereux, dix ans avant le terme fixé. Cette prime suffira pour établir entre toutes les professions le nivellement sans lequel toute organisation démocratique est impossible. L’application des machines, de la vapeur et des autres forces naturelles encore inconnues, est destinée d’ailleurs à avancer de plus en plus le terme de cette libération des travaux matériels, qui rendra à l’intelligence humaine la pleine disposition d’elle-même. Le pouvoir, constitué par l’élection, recevra la souveraine mission d’assigner à chacun sa tâche, selon ses dispositions constatées par la voie d’examen ou par les qualités extérieures : œuvre facile, d’ailleurs, du moment où l’égalité des salaires aura enlevé la plus grande partie de leur importance actuelle aux professions d’élite et où le bénéfice d’une vétérance anticipée fera même rechercher comme une faveur le labeur aujourd’hui repoussé par les préjugés. Toute différence devra disparaître entre les deux sexes, quant à l’exercice des droits politiques. La vie sera d’ailleurs commune, en ce sens, du moins, que des dépôts publics fourniront les objets nécessaires à la nourriture, au vêtement et à tous les besoins. Le gouvernement étant le régulateur suprême de l’industrie et du commerce, la production n’excèdera jamais les besoins, appréciés avec une rigueur mathématique. Enfin le signe représentatif des valeurs devra disparaître, puisqu’il n’y aura plus d’échange, et que chacun, sur le vu de sa quittance de travail quotidien ou annuel, recevra de l’autorité sociale les objets législativement affectés à son alimentation et à ses besoins. Sous un état de choses qui garantira à tous, dans un avenir prochain, des jouissances certaines et faciles, la morale dogmatique deviendra comme superflue, et dès-lors sera assurée cette harmonie sociale que les rigueurs pénales et les croyances religieuses