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d’abord un emprunt affecté à la création d’ateliers sociaux, consacrés à toutes les branches importantes de l’industrie nationale ; il en proposerait les statuts à la représentation nationale, et ceux-ci acquerraient force et puissance de loi. M. Blanc, qui professe une morale industrielle relâchée en face du rigorisme de quelques autres adeptes, propose quelques mesures de transition pour ménager les intérêts aujourd’hui engagés dans la fabrication ; il veut bien d’ailleurs admettre une différence dans les salaires gradués sur la hiérarchie des fonctions et la nature du travail, mais il ne fait cette concession qu’à regret, seulement à raison de l’éducation fausse et anti-sociale donnée à la génération actuelle, et « jusqu’à ce qu’une éducation nouvelle ait sur ce point changé les idées et les mœurs »

Le gouvernement réglerait au début la hiérarchie des fonctions parmi les travailleurs ; celle-ci se constituerait plus tard par la voie élective. L’évidente économie et la supériorité incontestable de la vie en commun ne tarderaient pas à faire sortir de l’association des travaux l’association volontaire des besoins et des plaisirs. Ainsi serait radicalement absorbé dans une nouvelle unité le régime de l’isolement et de la rivalité individuelle, et l’hostilité des efforts serait remplacée par leur convergence.

Un écrit récent, sorti d’une plume moins exercée, mais plein de faits présentés avec mesure[1], a tracé pour ainsi dire pas à pas les degrés divers de cette immense révolution. L’auteur propose de procéder à l’œuvre de l’organisation du travail, vers laquelle la force des choses vient déjà d’entraîner la législature[2], par une recomposition des conseils de prud’hommes, au sein desquels on ferait entrer en proportion égale les délégués des fabricans et ceux des travailleurs ; la présidence en serait dévolue à un représentant du gouvernement, modérateur naturel des intérêts contraires. Ces conseils détermineraient un minimum de salaire, réglementeraient les heures, les prix et les autres conditions du travail. Un grand conseil général de l’industrie et du commerce serait formé à Paris, et communiquerait avec tous les conseils locaux. Dans toutes les mairies, des registres seraient ouverts pour inscrire les commandes, les demandes de main-d’œuvre et celles des ouvriers manquant d’ouvrage ; ceux-ci

  1. De l’État des ouvriers et de son amélioration par l’organisation du travail, par Adolphe Boyen, compositeur typographe.
  2. Loi sur le travail des enfans dans les ateliers et manufactures.