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de sa grandeur, est modelé avec beaucoup d’esprit et de finesse, et, s’il produit en pierre et au grand jour le même effet que dans l’atelier de l’artiste, ce sera une œuvre remarquable et qui fera honneur à M. Jouffroy, dont jusqu’ici l’on n’a pas vu de grandes compositions et que l’on ne connaît que par des statues isolées.

Du fronton des Jeunes Aveugles de M. Jouffroy au tombeau de l’abbé de l’Épée à Saint-Roch, par M. Auguste Préault, la transition est aisée et naturelle. Il s’agit également ici de glorifier une de ces ames généreuses, à dévouemens obscurs, et que rien ne rebute lorsqu’il s’agit de secourir une portion de l’humanité en souffrance. Ainsi que le fondateur de l’hospice des Jeunes Aveugles, l’abbé de l’Épée, à force de soins, d’efforts et de persévérance, est parvenu à faire participer à la communion de l’intelligence humaine de pauvres êtres que leur infirmité avait jusque-là séparés du reste du monde, et chez qui la nature marâtre avait muré deux des ouvertures par où le cerveau de l’homme communique ou reçoit les idées : l’oreille et la bouche.

Élevé par suite d’une souscription, le tombeau de l’abbé de l’Épée est d’une simplicité que recommandaient la modestie de la somme à dépenser, et le caractère de celui qu’il recouvre ; la richesse d’ailleurs ne fait pas la beauté, et ce petit monument, tel qu’il est, a plus de tournure et de style que bien d’autres élevés à grands frais. Il se compose d’un cippe orné de guirlandes, de feuillages funèbres retenus aux angles par des hiboux sculptés : au milieu, dans une espèce de cartouche à la manière égyptienne, sont gravés en creux, coloriés et dorés, les vingt-quatre signes de l’alphabet des sourds-muets, vingt-quatre mains hiéroglyphiques dans toutes les positions possibles, ayant chacune à côté d’elle la lettre qu’elle représente. Au-dessus s’élève un socle terminé par une acanthe fouillée et découpée à jour. Sur ce socle sont écrits les noms de l’abbé de l’Épée, les dates de sa naissance et de sa mort en style lapidaire. Voici pour l’architecture, dessinée et ordonnée par M. Lassus, l’ingénieux restaurateur de Saint-Germain l’Auxerrois. La part du statuaire consiste en un buste de l’abbé de l’Épée et en deux enfans, un petit garçon et une petite fille en bronze. Le buste est posé sur l’acanthe fleurie qui termine le socle, les enfans sont ajustés à droite et à gauche aux pans du socle, et portent sur le cippe funéraire. Tout cela forme un ensemble harmonieux et qui plaît à l’œil. — L’abbé de l’Épée n’était guère plus beau que saint Vincent de Paul, cet autre bienfaiteur de l’humanité. À cette difficulté se joignait encore celle d’attraper la ressemblance iconique