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époque, que la tendance exclusive de leurs études éloigne forcément des idées et des traditions chrétiennes. — Espérons que cet affront si peu mérité sera réparé comme il doit l’être, et que le Christ de M. Préault trouvera dans quelque autre église une place digne de lui.

M. Pradier vient de terminer au Luxembourg, sur la partie neuve qui regarde le jardin, une œuvre capitale de sculpture, qui participe à la fois du fronton et de l’attique : du fronton par le bas-relief, de l’attique par les figures de ronde-bosse qui garnissent la corniche perpendiculairement à chaque colonne.

Voici l’ordonnance de ce morceau, l’un des plus satisfaisans qui soient encore sortis de l’élégant ciseau de M. Pradier. — Un cadran d’horloge forme le centre de la composition. Deux grandes figures allégoriques, le Jour et la Nuit, dans une attitude pleine d’une élégante hardiesse, la Nuit vue de dos, le Jour vue de face (car M. Pradier, jugeant avec raison qu’une idée abstraite n’a pas de sexe, s’est permis de féminiser le jour), sont jetées à droite et à gauche du cadran autour duquel flottent les plis légers de leurs draperies. — Le Jour tient un flambeau à la main et laisse tomber des fleurs ; la Nuit est symbolisée par des étoiles et une chauve-souris. Ces figures, très bien entendues de bas-relief et de grande dimension, ont une grace et une tournure charmantes. Il est difficile de voir quelque chose de plus aérien et de plus transparent que les draperies volantes qui jouent autour de leurs beaux corps sans les cacher, et les caressent plus qu’ils ne les voilent.

Plus bas, sous l’arc d’un zodiaque constellé de signes d’or, est assis un petit génie tenant des guirlandes de fleurs et de fruits. C’est la figure la moins réussie : les raccourcis qu’elle présente la font paraître courte, bouffie et strapassée. — Les enfans offrent de grandes difficultés, surtout lorsqu’il faut donner à leurs formes encore inachevées le caractère monumental. La nuance entre la vérité et la convention est très difficile à saisir. L’on arrive aisément à l’empâté et au massif, ou l’on tombe dans la souplesse chiffonnée de François de Bologne le statuaire, qui après tout a encore le mieux compris les graces et la morbidesse de l’enfance.

Six statues entièrement détachées complètent l’ordonnance de la façade. Elles sont ainsi rangées en partant de la gauche du spectateur : un peu en arrière, sur le retrait de la corniche, se présente d’abord la Guerre, symbolisée par un guerrier, suivant le système de M. Pradier de ne pas tenir compte du sexe des abstractions allégoriques.