Page:Revue des Deux Mondes - 1841 - tome 27.djvu/922

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
918
REVUE DES DEUX MONDES.

trouvait désormais entraînée à nourrir ces illusions qu’elle avait fait naître. Rien n’échappait à l’inflexible logique du marquis : tel évènement qu’elle avait annoncé sans y penser voulait telle conséquence ; telle manœuvre, tel mouvement dont elle ignorait la valeur, en faisaient attendre tel autre, et, pour ne pas se démentir, elle était obligée d’accorder ces conséquences dans la lettre suivante. C’est ainsi qu’elle se vit forcée d’annoncer et de suivre les prétendues négociations au sujet de la famille royale et de les terminer heureusement. Cette nouvelle mit le comble à l’exaltation de M. de La Charnaye. Dès long-temps les gens du château étaient prévenus ainsi que tous ceux qui auraient pu le détromper ; au reste, on ne le regardait plus que comme un enfant qu’on laisse déraisonner, et l’on haussait les épaules à l’entendre parler de choses si éloignées de l’affreuse vérité. Ses souffrances, son isolement, son idée fixe, en faisaient un fou véritable. Voici la lettre que Mlle de La Charnaye fut amenée à lui lire en cette circonstance :

Au camp de Saint-Florent-le-Vieil, le 9 décembre 1793.

« L’armée catholique et royale triomphe de toutes parts et occupe toute la ligne de la Loire depuis Blois jusqu’à Nantes. C’est dans cette attitude que nous avons reçu leurs majestés des mains des commissaires durant la trêve convenue. La convention ne peut résister long-temps, et nous demande de plus longs accommodemens. Elle vient de perdre trois batailles sur le Rhin. Le hideux comité est accusé jusque dans son sein On nous reçoit partout comme des libérateurs. Les départemens du midi sont en insurrection et sur le point de se joindre à nous, les provinces abattent leurs échafauds, les bons citoyens s’unissent, tout le monde abandonne la cause des monstres. La religion est remise en honneur, et avec elle refleurit l’amour du roi, de la paix et de la vertu. C’en est fait, le drapeau blanc va voler de clocher en clocher ; toutes les portes s’ouvrent devant notre belle devise : « Nous ne venons point conquérir des villes, mais des cœurs ! » Vive le roi ! »

Or, voici quel était en ce moment le véritable état de la France et de l’expédition vendéenne. Les principaux chefs étant morts, l’armée catholique, pressée de tous côtés par les bleus, venait de passer la Loire sous le commandement de Henri de Larochejaquelein ; c’est pourquoi Gaston n’écrivait plus. On connaît les détails de ce