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CHRONIQUE DE LA QUINZAINE.
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14 septembre 1841.


C’est avec une profonde émotion que nous nous adressons aujourd’hui à nos lecteurs, avec une émotion qu’ils ont tous éprouvée comme nous à la nouvelle de l’horrible attentat qui a failli couvrir de deuil la fête que la famille royale donnait à l’armée. C’est donc la manie de l’assassinat qui agite aujourd’hui les esprits ! Bientôt la mémoire ne suffira plus à retenir les noms de tous les assassins qui se succèdent dans cette infâme carrière, et dont la Providence a pu seule déjouer les nombreuses tentatives. L’attentat devient de plus en plus stupide et féroce. Aujourd’hui, ce n’est plus la pensée du régicide, ce n’est plus la folle et criminelle espérance d’une révolution sanglante, d’une indomptable anarchie, suivant la mort du chef de l’état, du conservateur suprême de la paix publique, qui arme le bras de l’assassin. Non. Il veut tuer pour le plaisir de tuer, pour avoir du sang ; il lui faut du sang, ainsi qu’on le criait en effet dans les rassemblemens séditieux des jours précédens ; pour avoir du sang, il décharge son pistolet au milieu d’une fête, d’un immense rassemblement. S’il manque son but, il a du moins l’espoir de tuer quelqu’un, de voir un cadavre à ses pieds ; si le prince échappe à ses coups, la balle frappera un officier, un soldat, un spectateur, une femme, un enfant, car certes l’assassin ne pensait pas que la Providence couvrirait d’une si éclatante protection le peuple, l’armée, la famille royale, la cité tout entière, qu’elle les abriterait tous sous la même égide, et rendrait vaine cette fureur sanguinaire qui s’irrite de toute allégresse publique, de toute joyeuse communication du peuple avec les princes. Quels abominables emportemens, quelles noires passions agitent ces ames égarées ! Assassiner un jeune prince qui n’est connu que par sa vive intelligence, par son aimable bonté, par son courage et son dévouement au pays ! Qu’a-t-il donc fait pour que le bras d’un assassin veuille ainsi l’arracher à sa patrie et à sa famille ? Partout où il pouvait rencontrer un ennemi de la France, il y est accouru ; voilà toute