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REVUE. — CHRONIQUE.

l’évacuation de l’îlot ; et lorsque M. Guizot, surpris de ne recevoir que par voie indirecte la connaissance des intentions du cabinet de Madrid, exprime en termes justement sévères son étonnement, on ne sait plus d’où cet ordre est parti. M. Gonzalez déclare formellement qu’il s’en sait rien, qu’aucun ordre à ce sujet n’était parti de Madrid ; il s’empresse de donner à notre gouvernement les explications les plus satisfaisantes, il offre de renouveler le bail si cela nous est nécessaire, et témoigne en même temps sa reconnaissance des services que le gouvernement espagnol a reçus et qu’il reçoit encore de la France. Après ces explications, notre gouvernement devait sans doute se tenir pour pleinement satisfait ; mais n’est-il pas singulier que des faits de cette nature puissent s’accomplir, sans que le ministre des affaires étrangères, M. Gonzalès, en soit informé (car nous sommes loin de révoquer en doute son affirmation), et de manière qu’il ait besoin d’une enquête pour remonter à la source de cet étrange incident ? Il est des personnes qui trouvent notre centralisation excessive ; qu’ils conviennent du moins que la centralisation espagnole est insuffisante.

Une nouvelle amnistie vient d’être publiée en Espagne. C’est un acte digne d’éloge, bien qu’on doive regretter les trop nombreuses exceptions qu’il renferme.

Indépendamment des troubles qui agitent le pays, et peut-être aussi à cause de ces troubles, il est deux points qui préoccupent fortement les esprits sérieux. Ces points sont nos négociations commerciales avec la Belgique, et le désarmement.

Nous sommes loin de repousser en principe ces négociations ; nous sommes disposés au contraire à seconder les effort que les gouvernemens voudraient faire pour affaiblir le système prohibitif et se rapprocher peu à peu de la liberté commerciale. De même nous sommes loin de méconnaître l’importance des liens politiques qui existent entre la Belgique et la France, et la force nouvelle que pourrait leur donner la convention qu’on négocie.

Enfin l’humeur qu’en prend la presse anglaise, humeur qu’un journal a qualifiée de comique, et qui l’est en effet, suffirait pour montrer que cette convention peut avoir pour nous des avantages. Tout cela est vrai, sérieux, digne d’attention. Il n’est pas moins certain, pour tous ceux qui connaissent la nature et la puissance de l’industrie belge, qu’une convention quelque peu large et digne des efforts qu’elle aurait coûtés, sera pour quelques-unes de nos industries protégées une cause de perturbations profondes et de pertes considérables. Nous savons bien que le pays, considéré dans son ensemble, peut trouver d’amples compensations à ces pertes. Dire le contraire, ce serait nier des principes qui sont évidens pour nous, et que nous sommes loin de vouloir répudier. Aussi ce n’est pas la question économique, c’est la question politique qui nous paraît très sérieuse et très grave, dans ce moment surtout. Nous redoutons les alarmes que ces négociations peuvent faire naître, l’humeur qu’elles peuvent donner, les prétextes qu’elles peuvent fournir, même aux hommes bien intentionnés. L’intérêt personnel est si aveugle et si