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passionné ! Ces opérations délicates nous paraissent demander des jours parfaitement calmes et prospères : bonnes en soi, il leur faut en même temps l’opportunité et la prudence. C’est au ministère de voir si ces deux conditions peuvent être réalisées dans ce moment : à lui appartient de juger de sa haute position l’ensemble de notre situation politique ; il en a plus que personne les moyens, comme il a toute la responsabilité de l’évènement. Nous sommes disposés à nous confier à ses lumières et à ses prévisions ; et s’il parvient, sans compromettre la chose publique, à nous donner un bon résultat économique, nous applaudirons les premiers à ses efforts.

La question du désarmement paraît aussi occuper très sérieusement le cabinet. On cherche à mettre le budget en équilibre ; peut-être même serait-on charmé de pouvoir ajourner indéfiniment l’emprunt ; enfin, sans croire en aucune manière que les puissances étrangères nous aient fait, au sujet de nos armemens, de représentations peu compatibles avec notre dignité, nous sommes convaincus que l’état de tension où nous avons mis toutes les armées et toutes les finances de l’Europe, contrarie et vexe les gouvernemens étrangers. Ils sont moins riches que nous et plus embarrassés dans leurs finances. Il est donc naturel qu’ils cherchent aujourd’hui à diminuer leurs dépenses, ce qu’ils ne voudraient faire que par un désarmement simultané.

Cette raison est loin d’être décisive pour nous. M. Guizot, au commencement de son ministère, répondait aux ministres étrangers : « Si nos armemens vous troublent, armez à votre tour ; je ne vous demanderai pas d’explications. » C’est là le vrai. C’est une utopie, on peut même dire une niaiserie, qu’une délibération commune en pareille matière. L’Angleterre, la Russie, diraient-elles le fond de leur pensée ? C’est cependant ce qu’il faudrait connaître pour juger des proportions de leurs armemens, pour apprécier leurs nécessités à cet égard. Chaque état est juge souverain de ce qui lui convient à ce sujet. Tant pis pour celui qui s’obère ou qui alarme mal à propos ses voisins. On est homme d’état lorsqu’on sait éviter ces deux écueils et ne pas se trouver toutefois désarmé à tout évènement. Faire des économies en livrant le pays désarmé au bon vouloir de ses puissans voisins, ce serait imiter cet avare qui laissait ses portes ouvertes pour ne pas payer les serrures. Il ne fut pas seulement volé, il fut égorgé.

C’est donc chez nous, pour nous, dans notre intérêt, et prenant en sérieuse considération note situation politique, soit à l’intérieur, soit à l’extérieur, que la question doit être décidée. Si nous sommes bien informé, le ministère pense pouvoir sans danger diminuer notre état militaire. Conçue dans cette généralité, la proposition, nous l’avons dit il y a long-temps, ne paraît pas contestable. La paix, avec quatre ou cinq cent mille hommes sous les armes, ne serait pas un bienfait assez brillant pour le prix qu’il nous coûterait. Il peut donc réduire notre budget militaire ; c’est logique.

Mais sur quoi porteront les réductions ? Là est la question capitale, ou, pour mieux dire, toute la question. Achèvera-t-on les fortifications, toutes les fortifications, à Paris et hors de Paris ? Conservera-t-on les approvisionne-