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Page:Revue des Deux Mondes - 1842 - tome 30.djvu/1035

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LES ANGLAIS DANS LE CABOUL.

chawir, j’aurais la plus grande inquiétude, car en lui je vois un chef mahométan, et non plus un Sikh. Si le maharajah avait été plus familier avec la politique de l’Afghanistan, il m’aurait renversé depuis long-temps en donnant à Mahomed-Khan de l’argent pour corrompre ceux qui m’entourent, au lieu de lui ôter Pechawir. »

La position du Dost devenait, en effet, de plus en plus critique. Obligé de lever des taxes de guerre pour entretenir ses troupes, il indisposait contre lui les marchands afghans. Il était dans la situation où se trouva le roi des Pays-Bas après 1830, quand les marchands de la Hollande, fatigués de payer l’entretien de l’armée sur le pied de guerre, l’obligèrent, après neuf ans de délais, à accepter les faits accomplis. Un agent anglais, M. Masson, écrivait à son gouvernement : « Les Barukzis sont à eux-mêmes leurs propres ennemis ; leurs éternelles dissensions ont fait d’eux la peste du pays. Le gouvernement britannique pourrait intervenir, sans blesser une demi-douzaine d’individus, et le Shah-Soudja, sous ses auspices, ne rencontrerait pas même d’opposition. » Le lieutenant Leech était encore plus explicite, et il disait : « N’ayant d’autre droit que celui de la fortune et de l’épée, les Barukzis n’ont aucune affection ni pour leur pays, ni pour leurs sujets. Leur ambition est celle des voleurs, leur loi, la loi du caprice. Ceci pourrait s’appliquer à tout petit état despotique, mais l’existence de cet état de choses, sous un triumvirat de frères jaloux les uns des autres, a quelque chose de particulier, et c’est un prodige qu’ils aient jusqu’à présent échappé au poignard des assassins. »

On voit que bien des influences en sens contraire agissaient sur le gouvernement de l’Inde. On disait que la famille dépossédée, celle des Suddozis, que représentaient Soudja et Kamram, avait encore de nombreux partisans dans l’Afghanistan ; que, réunie sous une seule autorité et sous un prince légitime par l’intervention des Anglais, l’ancienne monarchie des Afghans deviendrait une solide barrière entre l’Inde et les pays du nord et du nord-ouest. La suite des évènemens devait montrer le degré de vérité de ces conjectures ; elle prouva, en effet, que les Barukzis n’avaient pas une racine bien profonde dans les affections de ces peuples remuans, mais elle prouva aussi que les Suddozis n’avaient pas plus que leurs rivaux l’autorité nécessaire pour rattacher à un seul corps tous ces membres épars.

Dost-Mohammed, qui donna dans tout le cours de ces négociations les preuves d’un esprit véritablement supérieur, et d’une finesse de