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encore remarquer à regret dans ces deux jolis ouvrages, le Fumeur et le Joueur de Basse, principalement dans le dernier. Comme caractère, comme expression, comme sentiment d’observation, il reste peu de choses à acquérir à M. Meissonier ; mais son exécution, d’ailleurs si fine et si délicate, est encore un peu indécise sur beaucoup de points. Il faut que la perfection soit partout. Encore un pas, et un pas très facile à faire, et ce jeune artiste aura donné à l’école française un maître de plus, et dans un genre où cette école avait laissé une lacune.

Quelques autres tableaux de chevalet, à scènes familières, gaies, sérieuses ou tristes, peuvent trouver place ici. En première ligne se présente la Korolle, ou danse bretonne, de M. Ad. Leleux. Cet artiste a un sentiment naïf et doux de la nature, qui paraît s’offrir à lui de préférence par son côté mélancolique. Une ronde, exécutée par de jeunes villageois devant le seuil d’un toit rustique, au son d’un flageolet ou d’une musette, auprès de quelques toiles dressées en plein air ; c’est le thème d’un tableau flamand. Rien ne ressemble moins cependant à une kermesse que la scène de M. Leleux. Ses bons paysans dansent, sautent et tournent bien, et le mouvement de ronde est rendu avec beaucoup d’art et justesse ; mais l’impression morale n’est pas celle de la fête et de la joie. C’est une gaîté plus tendre que vive, et qui n’est qu’à la surface ; il y a de la tristesse au-dessous. L’exécution est un peu triste aussi comme le sentiment moral. La lumière est douce, mais pâle ; on dirait un beau clair de lune. La couleur est plus timide encore, et semble vouloir se cacher. Les figures des danseurs n’offrent que de légers simulacres privés de corps ; ce sont des ombres dansantes, mais des ombres innocentes et amies. Le Paralytique, du même artiste, est loin de valoir sa Korolle.

Les trois pastels de M. Maréchal, les Adeptes, le Loisir, la Détresse, ont excité une admiration beaucoup plus modérée que ceux de l’an passé, dont on avait fait une sorte d’évènement. Ce n’est pas que ces dessins soient inférieurs (du moins les Adeptes) aux précédens ; c’est que le talent de l’artiste, quoique fort distingué, ne paraît devoir s’appliquer qu’à un très petit nombre de motifs toujours les mêmes, et que son exécution, quoique habile, n’est ni assez originale, ni assez puissante, ni assez variée pour soutenir long-temps la curiosité.

Le Ministre médecin, de M. Jacquand, est une scène larmoyante de drame bourgeois, peinte dans la manière de M. Robert Fleury affaiblie on ne peut dire de combien de degrés. M. Jacquand pourrait-il nous expliquer pourquoi les doigts de la malade et ceux du