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DU CALVINISME.

fureurs des partis, même inconstance, même refuge dans le sein de la tyrannie contre les déchiremens anarchiques. Genève se tourne vers Calvin ; elle le conjure de revenir la maîtriser, elle trouve une sorte de plaisir douloureux à solliciter et à subir un joug impitoyable.

Tout changer, transformer une ville naguère riante en une communauté rigide, faire pénétrer dans tous les détails des lois et des mœurs une religion mélancolique et sombre, poursuivre la liberté humaine dans ses derniers retranchemens, mettre la vie de chacun sous l’œil toujours ouvert d’une inquisition minutieuse et dure, enfin ériger Genève en une sorte de royaume temporel de Jésus-Christ, dont on inscrivit le nom sur les portes de la ville, telle fut la pensée, telle fut l’œuvre de Calvin, dès qu’il fut rappelé. Cette fois, il ne rencontrait plus d’obstacle, ce qu’il décréta passa sans contradiction. Cinq ministres et trois coadjuteurs formèrent une congrégation qui se réunissait tous les vendredis pour conférer sur les Écritures ; ils devaient en outre prêcher trois fois le dimanche, et trois fois encore dans la semaine. Cette congrégation nommait les pasteurs, le conseil les confirmait, le peuple les acceptait ou les rejetait. À côté de la congrégation était établi un consistoire composé des ministres et de douze anciens. Ce consistoire exerçait une véritable censure sur la vie de chacun. Pas une famille n’échappera à l’inspection annuelle de ses délégués, ou à des visites plus fréquentes, quand il le juge à propos. Toutes les infractions aux règlemens établis seront punies. Les peines seront, suivant la gravité des cas, l’admonition privée, la censure publique, l’excommunication ; enfin, quand il était jugé que le péché s’élevait jusqu’au délit, le conseil, sur le rapport du consistoire, prononçait l’amende ou la prison. Le président de la congrégation était Calvin, le président du consistoire encore Calvin. Il inspirait l’enseignement et la prédication, il réglait la discipline, il décidait de toutes les peines, et, pour que sa doctrine pût s’emparer plus facilement des esprits, il composa en latin et en français un catéchisme que les magistrats s’engagèrent par serment à ne jamais changer. Ce n’est pas tout. Il réforma aussi le droit politique de Genève, et il fut chargé, avec trois conseillers, de compulser et réviser les édits pour gouverner le peuple. Enfin il administrait, car il était consulté et obéi pour tout ce qui concernait la police et la garde de la ville. Où trouver un autre exemple d’une semblable omnipotence ? Comme il régnait au nom de Dieu, Calvin voulait, sans doute comme lui, tout régler et tout savoir.

Le réformateur portait dans la polémique la même passion que